MSN Messenger, la messagerie d’une génération À chaque problème sa solution. En 1997, Danny Glasser, lead développeur chez Microsoft, se heurte à une impasse : il pilote le développement d’une solution qui s’adresse au grand public, mais que personne ne veut vraiment utiliser. Ce logiciel, c’est NetMeeting, présenté comme un « client de communication audiovisuel et collaboratif », mais où il est, semble-t-il, difficile d’y retrouver ses contacts. Lui vient alors une idée, évidente aujourd’hui, mais visionnaire pour l’époque : permettre aux utilisateurs de créer une liste de contacts, de voir qui est en ligne, et de lancer facilement un appel. Le projet est baptisé « Buddy List », et posera les fondations de ce qui deviendra l’un des logiciels les plus emblématiques des années 2000. Je n’aurais pas pu prédire avec précision combien de personnes allaient l’utiliser, mais on sentait que ça allait devenir quelque chose d’important, rembobinait-il en juillet 2009. « Et c’est un euphémisme », admettait Microsoft, près de 12 ans plus tard. À son apogée, MSN Messenger – rebaptisé Windows Live Messenger en 2005 – comptait 330 millions d’utilisateurs actifs, à une époque où l’accès à Internet se démocratise aussi vite que les mises en pages suspectes sur Skyblog. Au-delà des chiffres, MSN Messenger était surtout « la porte d’entrée d’Internet », le symbole de nos premiers errements en ligne, comme le résumait un journaliste d’Ubsek & Rica dans son éloge funèbre. Un logiciel qui a profondément marqué son époque avec des effets sonores qui hantent encore nos tympans, des statuts aussi cryptiques qu’introspectifs, ce « cochon qui danse » ou cette connexion à Windows Media Player, qui permettait de signaler subtilement qu’on était en pleine crise existentielle parce qu’on écoutait Smells Like Teen Spirit de Nirvana. Windows Live Messenger avait remporté la guerre des chats, en ringardisant tous les services concurrents, de AIM à ICQ en passant par IRC. Mais, comme d’autres vestiges du web des années 2000, il a été débranché le 1er mai 2013, au profit de Skype. En laissant derrière lui une empreinte immense. Clippy, l’assistant intrusif et encombrant Bien avant ChatGPT, Gemini ou Claude, il y avait Clippy. Un trombone antropomorphe, aux yeux globuleux et à la gestuelle désarticulée, dont la réplique « Il semble que vous êtes en train d’écrire une lettre. Souhaitez-vous de l’aide ? » a hanté toute une génération. Peut-être car son prototype avait été conçu sur Mac, raconte un article du Seattle Met, mais surtout parce que de nombreux utilisateurs trouvaient ses suggestions « intrusives, agaçantes, voire un peu flippantes ». Conçu en 1996, puis intégré à Microsoft Office 1997, Clippy était censé simplifier la vie des utilisateurs en détectant leurs besoins, en répondant à leurs questions et en proposant des conseils contextuels. Ça, c’est la théorie. Car en pratique, il peinait à comprendre le contexte, ou à formuler des suggestions adaptées, ce qui le rendait plus encombrant qu’indispensable. Au point d’être rebaptisé tfc, pour « the f**ing clown », par ses créateurs. Drôle malgré lui, mais surtout inutile, Clippy est finalement enterré en 2003. Pourtant, plus de 20 ans plus tard, Clippy n’a pas été oublié. Devenu une icône de la culture web, il s’est invité dans un épisode des Simpsons, a été cité dans The Office ou – plus étonnant – a campé le rôle principal d’une fan fiction érotique qui porte son nom. Il a également la particularité d’avoir été classé parmi les 50 pires inventions de l’histoire par le magazine TIME. Un classement où il occupe la troisième place, s’il vous plait. Bliss, le fond d’écran le plus célèbre de l’informatique « Je pense que cette photo est là pour l’éternité. Quand vous aurez 90 ans, vous tomberez quelque part sur une photo ressemblant vaguement à Bliss, et vous direz : ‘à l’époque où l’on avait encore des ordinateurs sur nos bureaux, c’était cette image qui s’affichait à l’écran ». C’est avec ces mots que Charles O’Rear, l’homme derrière la photo connue sous le nom de Bliss – ou Colline verdoyante, sur la version française de Windows XP – tentait de mesurer l’héritage de son cliché, capturé en 1996, sur le chemin qui le menait à Daphne, sa compagne de l’époque. Selon Microsoft, l’image aurait été vue par plus d’un milliard de personnes, ce qui en ferait la photographie la plus largement diffusée au monde. Là aussi, difficile à quantifier. Mais cette photographie, immortalisée dans la vallée de Napa, à quelques kilomètres au nord de San Francisco, est devenu à coup sûr, l’arrière-plan par défaut le plus célèbre de l’informatique après avoir été cédé à Corbis, la banque d’images fondée par Bill Gates pour une « somme conséquente » jusqu’ici restée confidentielle. Mais a-t-elle été retouchée sur Photoshop ? La réponse est non, assure l’ancien photographe, qui a travaillé pour National Geographic pendant 25 ans. Dans un entretien accordé à CNET en 2014, il raconte avoir reçu, des années après la sortie de Windows XP, un email d’un ingénieur de Microsoft où il était écrit : « Dans notre service, certains ingénieurs pensent qu’elle a été retouchée sur Photoshop, et d’autres parient qu’elle a été prise à proximité du siège ». « Désolé les gars, vous vous trompez tous », a-t-il répondu. Pinball 3D, le jeu où l’on a passé beaucoup trop de temps Il n’a pas été développé par Microsoft, mais c’est bien grâce à Microsoft qu’il est devenu culte. Le jeu que l’on connaît sous le nom 3D Pinball est, en réalité, un portage de Full Tilt! Pinball, un titre développé par Cinematronics et édité par Maxis Software, à qui l’on doit la série Les Sims. Et son intégration dans la version Plus de Windows 1995 fut un véritable casse-tête technique, expliquait Dave Plummer, l’homme en charge du projet, dans une vidéo publiée sur YouTube. Notamment parce qu’il était très difficile d’importer les effets sonores du titre original. Si une version web, conçue par un développeur indépendant, est toujours accessible en ligne, Pinball 3D a été éjecté des systèmes d’exploitation lorsque Microsoft est passé à une architecture 64-bits. La raison ? Il aurait fallu réécrire des millions de lignes de code dans un laps de temps très court, selon Raymond Chen, ancien ingénieur de la firme de Redmond. Un effort que les équipes de Microsoft n’étaient pas prêtes à consentir « pour un objet de nostalgie » qui n’était pas attendu « avec impatience par les jeunes générations ». D’autant que sa mort n’a pas dû vraiment émouvoir Bill Gates qui avait, paraît-il, développé une addiction à un autre jeu popularisé par Microsoft 95 : le Démineur.