Une coupure d’électricité d’une ampleur sans précédent a touché des dizaines de millions de foyers et d’entreprises, lundi, et provoqué le chaos au Portugal et en Espagne, où les habitants ont été privés de courant, d’internet et de téléphonie mobile. Circonstances, origine, conséquences... Voilà ce que l’on sait. Que s'est-il passé? La panne a commencé à 10h33 GMT, soit 12h33 en Espagne et 11h33 au Portugal. Elle a affecté l'ensemble de la péninsule ibérique, soit près de 55 millions de personnes, ainsi que plusieurs localités du Pays basque français. En Espagne, seules les îles Canaries, les îles Baléares et les territoires de Ceuta et Melilla, sur la côte nord de l'Afrique, ont été épargnés. Les autorités ont dû venir en aide à 35.000 passagers bloqués dans les trains. Le trafic aérien a également été perturbé, mais de façon plus limitée, les aéroports bénéficiant comme les hôpitaux de générateurs de secours. Pourquoi une panne si longue? En France, côté Pays basque, le gestionnaire du réseau électrique RTE a rapidement rétabli le courant. En Espagne et au Portugal, la remise en route du système électrique a été beaucoup plus lente: les habitants ont souvent dû attendre 10 voire 20 heures pour avoir de l'électricité. L'une des explications tient à l'ampleur de la panne. "Il y a eu une perte de production très importante, explique le gestionnaire du réseau espagnol (REE), qui a dépassé la perturbation de référence pour laquelle les systèmes électriques sont conçus; ça a entraîné une déconnexion du système électrique péninsulaire, avec un effondrement du réseau espagnol en 5 secondes seulement". Quelle origine possible à cette coupure? Des voyageurs, recouverts de couvertures de la Croix-Rouge, gisent à même le sol et se préparent à passer la nuit à la gare d’Atocha, à Madrid. Photo afp Photo AFP. Plusieurs hypothèses ont été avancées, comme celle d'une cyberattaque. La justice espagnole a annoncé avoir ouvert une enquête pour déterminer si la panne avait été provoquée par un sabotage informatique, susceptible d’être qualifiée de "délit terroriste contre des infrastructures critiques espagnoles": "Nous pouvons écarter un incident de cybersécurité", a néanmoins assuré Eduardo Prieto, directeur des opérations de REE. Sur les réseaux sociaux, une rumeur a fait état d’un "phénomène atmosphérique rare" qui pourrait avoir provoqué une faille du système. Une piste écartée. Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a annoncé la création d'une commission d'enquête et invité les habitants à "ne pas spéculer". "Aucune hypothèse ne sera écartée tant que nous ne disposerons pas des résultats d’analyse" a-t-il insisté. Eduardo Prieto, quant à lui, a lancé un message de prudence: "On attend encore de recevoir des informations de certains acteurs du secteur pour disposer de toutes les informations, d’une photo complète des données afin d’affiner les analyses et tirer les conclusions appropriées". Quelles procédures en cas de coupure? Gestionnaire du réseau de transport de l’électricité en France, RTE observe avec une grande attention ce qu’il se passe du côté de la péninsule ibérique. D’ailleurs, via les lignes transfrontalières entre la France et l’Espagne, RTE a soutenu la consommation espagnole en exportant jusqu’à 2.000mégawatts dans la journée de lundi. Sur les causes, "la séquence des événements est en cours d’analyse " rappelle l’opérateur. "Ce qui aujourd’hui est certain, c’est que l’Espagne a connu une perte de production de 15GW en quelques secondes, conduisant au black-out. Dans le même temps, la péninsule ibérique s’est déconnectée du réseau européen. " Dans un communiqué, l’opérateur apporte quelques précisions sur les hypothèses qu’un tel phénomène touche un jour la France de la même manière. Barrières de défense RTE insiste sur la différence entre une coupure, ciblée et maîtrisée par le gestionnaire de réseau, et une situation de black-out. "Un black-out affectant une large partie du territoire est une situation rarissime, mais qui est déjà arrivée en Europe: France 1978 et 1987, Italie 2003, Allemagne 2006, Balkans 2024." En tant qu’opérateur public responsable de l’équilibre du système électrique, RTE intègre la possibilité que ce type de situation se produise, "et met en place des protocoles pour y faire face le cas échéant. Plusieurs “barrières de défense" manuelles et automatiques existent et sont mises en œuvre pour traiter l’ensemble des situations possibles: de la limitation de la propagation d’un incident jusqu’à la réalimentation de la consommation en cas de black-out. » Réalimenter depuis les barrages hydroélectriques La première étape consiste à limiter l’ampleur du phénomène. "Dans ces cas, pour réduire l’ampleur de l’incident, “la zone impactée est isolée" évitant ainsi une "généralisation". Si malgré ces actions le black-out survient, en deuxième étape, la France a des procédures pour redémarrer un système électrique et permettre la réalimentation progressive des consommateurs en électricité par zones successives, notamment depuis des barrages hydrauliques », poursuit RTE. "C’est d’ailleurs ce qu’ont mis en œuvre l’Espagne et le Portugal depuis lundi après-midi pour reconstituer le réseau. La réalimentation, zone par zone, est ainsi possible permettant à de la production d’alimenter la consommation des zones en question. Le délai dépend de nombreux paramètres, tels que l’origine et l’ampleur de l’incident, l’état du réseau et la disponibilité des moyens de production après l’incident. " Les interconnexions peuvent être une autre solution: "Dans la situation du black-out de lundi, c’était le cas. Elles ont permis de faire transiter de la puissance de la France vers l’Espagne pour alimenter progressivement la péninsule ibérique." Philippe Zamari Nice parée à toute éventualité Assurer la sécurité de tous, via son maillage de caméras, c’est le rôle du Centre de Supervision Urbain (CSU) de Nice qui dispose notamment d’un groupe électrogène avec une première autonomie de 48h et peut être rechargé si cela est nécessaire. Il dispose aussi d’un onduleur, permettant de ne pas avoir d’interruption. Dans l’hypothèse d’une coupure d’électricité massive, le CSU pourrait donc continuer à fonctionner de manière autonome. Dysfonctionnement des feux de circulation, des éclairages Ce qui n’est pas le cas du Centre Multimodal des Déplacements Métropolitains (CMDM). "Il ne serait pas aveugle, expliquent les services de la Métropole, car il pourrait également bénéficier de la déviation sur le groupe électrogène du CSU. Mais il y aurait un dysfonctionnement de la signalisation routière, des feux de circulation, des éclairages… Les forces de l’ordre seraient alors mobilisées sur les points de circulation névralgiques." Et les tunnels? Ils sont inscrits comme équipements ne pouvant être délestés par ENEDIS et donc prioritaires en cas de coupure pour délestage de l’alimentation électrique. Conformément à la réglementation, ceux de plus de 300mètres sont équipés d’onduleurs qui leur permettent de continuer à être opérationnels pendant 60 minutes.. "À terme, les choses seront encore plus fluides puisque ces deux entités (CSU et CMDM) seront regroupées dans le Centre d’Hypervision Urbain du futur Hôtel des Polices, explique la Métropole. Cette plateforme numérique d’hypervision permettra de visualiser, en un seul et même endroit et de manière simple et instantanée, les informations en temps réel. Cela facilitera, en cas de crise majeure, la prise de décisions éclairées. Le Centre sera autonome en cas de panne généralisée." Julie Baudin Notre région habituée des coupures Le réseau électrique de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur – surnommée la "péninsule électrique" – a connu son lot de mésaventures. Le black-out historique du 3 novembre 2008 a marqué les esprits des Varois et des Azuréens. Plusieurs impacts de foudre s’étaient abattus sur l’unique ligne de 400.000 volts qui alimentent la région, de Nice à Marseille (la seule, avec la Bretagne, à ne disposer que d’une unique ligne à très haute tension). Plongée dans le noir pour 1,5 million de foyers À 9h40, la panne est totale. Un million et demi de foyers sont coupés d’électricité pendant plus de 2 heures. Les sapeurs-pompiers enchaînent les interventions et portent secours à 90 personnes, bloquées dans des ascenseurs. En début d’après-midi, l’intégralité du réseau est remis en service. La ligne touchée par les intempéries n’est pas endommagée et tout revient à la normale. À l’été 2003, 400.000 foyers des Alpes-Maritimes n’ont plus eu de jus durant 3 heures en soirée, après qu’un feu s’est déclaré dans le Var. Deux ans plus tard, la ligne haute tension est volontairement coupée pour permettre aux Canadair d’effectuer des rotations sur un incendie dans les Bouches-du-Rhône. Filet de sécurité depuis 2015 Les Provençaux devront attendre 2015 pour qu’un filet de sécurité soit opérationnel et permette d’éviter les pannes généralisées. Ce filet, un itinéraire bis construit en réaction au black-out de novembre 2008, est constitué de trois lignes souterraines de 225.000 volts. Il permet de prendre le relais lorsque la ligne principale est mise hors tension. Malgré cette amélioration, le risque d’avarie n’est toujours pas nul sur le territoire. Encore récemment en octobre 2023, 260.000 foyers ont été privés d’électricité dans le Var et les Alpes-Maritimes à la suite d’un incident technique.