Une onde de choc sur le monde

Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche s’est fait sentir bien au-delà des frontières américaines. Il a créé une onde de choc partout dans le monde. La Presse Groenland PHOTO JIM WATSON, ARCHIVES REUTERS Le vice-président J.D. Vance lors de sa visite d’une base américaine au Groenland le 28 mars dernier Lors de son premier mandat, Donald Trump avait déjà manifesté son intérêt d’acquérir le Groenland. Mais personne n’avait pris cette idée au sérieux. De retour au pouvoir, le président des États-Unis a non seulement relancé l’idée, mais il s’est également montré beaucoup plus agressif dans ses intentions, n’excluant pas de recourir à la force. Raisons invoquées : le territoire autonome danois serait essentiel pour la sécurité nationale américaine, en raison de sa position géostratégique et de son riche potentiel en terres rares et en minerais. Les Groenlandais affirment qu’ils ne sont pas à vendre, mais se disent ouverts à toute entente commerciale internationale – y compris avec les États-Unis – qui leur permettrait de financer leur éventuelle indépendance à l’égard du Danemark. La Maison-Blanche est-elle d’humeur à négocier ? Pour le moment, Washington semble surtout accentuer la pression. Cette crise en devenir inquiète forcément Copenhague, qui semble bien démunie face aux menaces américaines, le scénario surréaliste d’un membre de l’OTAN portant atteinte à l’intégrité d’un autre membre de l’OTAN semblant désormais dans l’ordre du possible. Jean-Christophe Laurence, La Presse Union européenne PHOTO SERGEY PONOMAREV, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES Elon Musk apparaissant par vidéoconférence à un rassemblement du parti d’extrême droite AfD lors de la dernière campagne électorale allemande, en janvier dernier Les rapports entre Trump et l’Union européenne (UE) ne sont jamais allés de soi. Mais ils ont pris une tournure résolument négative depuis le retour du milliardaire à la Maison-Blanche. Choc économique, choc politique, choc de valeurs, les deux anciens alliés ne semblent décidément plus sur la même longueur d’onde. Mi-février, lors d’un discours à Munich, le vice-président J.D. Vance a accusé l’UE de « détruire la démocratie », tandis qu’Elon Musk pactisait avec l’extrême droite allemande. Ce double affront a eu un effet d’électrochoc pour les Européens, qui ont senti le sol de l’alliance transatlantique se dérober sous leurs pieds. Le rapprochement spectaculaire entre Trump et Poutine et l’exclusion de l’UE des négociations pour la paix en Ukraine n’ont fait qu’accentuer cette rupture au ralenti. L’Europe comprend désormais qu’elle ne peut plus compter sur Washington, ni comme partenaire ni comme protecteur. Craignant un désengagement américain de l’OTAN, et une potentielle menace russe, l’UE vient d’effectuer un virage historique en débloquant 800 milliards d’euros pour sa défense, certains de ses membres, comme l’Allemagne, se lançant de leur côté sur la voie du réarmement national total « peu importe le coût ». Une « coalition des volontaires », menée par la France et le Royaume-Uni, a aussi été créée pour soutenir l’Ukraine en l’absence des États-Unis. Reste à savoir si cette dernière enverra des soldats sur le front. Jean-Christophe Laurence, La Presse Afrique PHOTO ISSOUF SANOGO, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Les bureaux de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) à Abidjan, en Côte d’Ivoire À quelques exceptions près, Donald Trump a largement négligé l’Afrique lors de son premier mandat, allant jusqu’à traiter les pays du continent de « shithole countries » (pays de merde). Le deuxième mandat ne s’annonce guère mieux, du moins sur le plan humanitaire. La suspension récente du programme d’aide internationale américaine (USAID) pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. Sur le plan commercial, le continent reste sur le qui-vive. Trump a déjà laissé entendre qu’il ne renouvellerait pas l’AGOA (Africa Growth and Opportunity Act) permettant à une trentaine de pays africains d’exporter sans taxes leurs produits sur le marché états-unien. Mais dans un contexte où Washington cherche à contrer l’influence grandissante de la Chine en Afrique, le milliardaire pourrait vouloir maintenir certains accords commerciaux, voire établir des partenariats avec certains pays, possiblement riches en minerais. Il faudra suivre l’évolution de sa brouille diplomatique avec l’Afrique du Sud, qu’il semble vouloir sanctionner en raison de la plainte pour génocide contre Israël, déposée par Pretoria à la Cour pénale internationale. Jean-Christophe Laurence, La Presse Amérique latine PHOTO MARTIN BERNETTI, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Le canal de Panamá La nouvelle administration américaine a adopté une attitude ouvertement hostile envers l’Amérique latine depuis son entrée en fonction. Dans une récente analyse, l’International Institute for Strategic Studies relève que la région est vue d’abord comme un risque sécuritaire associé au trafic de la drogue, à l’immigration incontrôlée et à l’influence chinoise. L’imposition de tarifs et la désignation de groupes de narcotrafiquants comme organisations terroristes ont été utilisées notamment pour pousser le Mexique à resserrer ses contrôles frontaliers. Plusieurs autres pays ont été placés sous pression pour accepter le retour de migrants se trouvant en sol américain, parfois à l’issue d’un bras de fer comme ce fut le cas avec la Colombie et le Venezuela. Le président américain Donald Trump a par ailleurs multiplié les menaces de prise de contrôle du canal de Panamá en évoquant une influence chinoise indue, poussant les autorités locales à prendre leurs distances avec le programme des nouvelles routes de la soie mis de l’avant par Pékin pour soutenir le développement d’infrastructures stratégiques et étendre son influence internationale. Marc Thibodeau, La Presse Ukraine et Russie PHOTO SAUL LOEB, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors de son passage houleux à la Maison-Blanche, le 28 février dernier Le président américain avait répété à plusieurs reprises en campagne qu’il serait en mesure de mettre un terme à la guerre en Ukraine en 24 heures, allant même jusqu’à suggérer qu’il pourrait le faire avant de prendre le pouvoir. La réalité s’est avérée plus complexe. L’administration a d’abord mis la pression sur le président ukrainien Volodymyr Zelensky, avançant même que le pays était responsable de l’offensive russe lancée en février 2022 avant de réclamer un accord sur l’exploitation des minéraux du pays censé pallier le coût des armes fournies par les États-Unis. Après avoir obtenu un engagement de Kyiv en faveur d’un cessez-le-feu complet, Washington a tourné son attention vers le président russe Vladimir Poutine, qui maintient des exigences maximalistes rendant hautement improbable tout règlement durable du conflit à court terme. Les pays européens se mobilisent pour tenter de contrebalancer la baisse du soutien militaire américain envers l’Ukraine tout en s’inquiétant de la possibilité que les États-Unis prennent leurs distances avec l’OTAN, un scénario susceptible de faire le jeu de la Russie. Marc Thibodeau, La Presse Chine PHOTO KEVIN LAMARQUE, ARCHIVES REUTERS Donald Trump et le président chinois Xi Jinping lors d’une rencontre bilatérale en 2019 Le président américain voit depuis longtemps la Chine comme sa bête noire et multiplie les actions agressives pour tenter de contrer son influence en Asie et au-delà. Il a notamment imposé des droits de douane de 145 % sur les importations en provenance du géant asiatique, qui se voit accusé de pratiques commerciales abusives. Le gouvernement du président chinois Xi Jinping, qui a fait de la défense de la nation l’un des piliers de son pouvoir, a refusé de céder aux menaces américaines, répliquant du tac au tac aux tarifs tout en relevant que personne ne sortirait gagnant de l’affrontement. L’annonce subséquente d’exemptions pour plusieurs produits électroniques a fait baisser la pression, même si le président Trump a prévenu qu’aucun pays n’était « tiré d’affaire ». Les visées annexionnistes du chef d’État américain, qui menace de saisir le canal de Panamá et le Groenland pour des raisons de sécurité nationale liées notamment à la Chine, ont aussi suscité des remous avec Pékin. Des analystes craignent que le discours annexionniste de Washington encourage le régime chinois à se montrer plus agressif envers Taïwan. Xi Jinping a promis à plusieurs reprises de réintégrer l’île dans le giron chinois et a lancé il y a quelques semaines des manœuvres militaires d’envergure visant à intimider le gouvernement indépendantiste en place à Taipei. Marc Thibodeau, La Presse Gaza PHOTO SAHER ALGHORRA, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES Des Palestiniens fuient leur quartier de Gaza après qu’Israël a lancé un ordre d’évacuation avant une attaque, le 20 mars dernier. Il n’était au pouvoir que depuis une semaine quand Donald Trump a choqué le monde entier en parlant des Gazaouis, dont le petit territoire est laminé depuis le début de la guerre d’Israël avec le Hamas en 2023. « J’aimerais qu’ils vivent dans une région où ils peuvent vivre sans perturbations, sans révolution et sans violence », a affirmé le président Trump, le 28 janvier. « La bande de Gaza, c’est l’enfer depuis tant d’années […] Je pense donc que les gens pourraient vivre dans des zones beaucoup plus sûres et peut-être beaucoup plus confortables. » Cette proposition de déménager les Gazaouis a été dénoncée par de nombreux dirigeants, dont le secrétaire général de l’ONU, qui a mis en garde contre « toute forme de nettoyage ethnique ». En Israël, en revanche, le premier ministre Benyamin Nétanyahou a salué une idée « remarquable ». « C’est la première bonne idée que j’ai entendue », a-t-il déclaré, enchanté. Donald Trump en a alors ajouté une couche, en disant vouloir faire de ce territoire la « Riviera du Moyen-Orient », allant jusqu’à publier une vidéo fictive dépeignant Gaza en station balnéaire. Donald Trump « est le meilleur ami qu’Israël ait jamais eu à la Maison-Blanche », déclarait Nétanyahou le 2 mars, en le remerciant pour l’envoi d’une aide militaire d’environ quatre milliards de dollars… juste avant que les combats reprennent, brisant une trêve conclue peu avant l’arrivée de Trump. Depuis, les bombardements se poursuivent sans relâche sur Gaza, malgré la promesse du président d’instaurer la paix dans la région. Le 22 avril, après un entretien avec le premier ministre israélien, Donald Trump assurait : « Nous sommes d’accord sur tout. » Judith Lachapelle, La Presse