Cliquer pour envoyer un lien par e-mail à un ami(ouvre dans une nouvelle fenêtre) La population du Nouveau-Brunswick vieillit, les entreprises peinent à embaucher des employés, l’inflation gruge le pouvoir d’achat des aînés: voilà un scénario parfait pour inciter bien des retraités à retourner au travail. Il ne s’agit évidemment pas pour ces derniers d’occuper un emploi cinq jours par semaine à longueur d’année, mais ils sont néanmoins de plus en plus nombreux à travailler pour boucler leurs fins de mois. L’Agence Emploi Retraite, d’abord créée en 2019 dans le Nord-Ouest du N.-B., puis étendue au reste de la province en 2022, facilite les contacts entre les aînés (50 ans et plus) et les employeurs afin de produire des «jumelages». Le ministère de l’Éducation post-secondaire, de la Formation et du Travail chapeaute cet organisme. L’Acadie Nouvelle a voulu savoir quels résultats il obtenait. Rebecca Howland, une porte-parole du ministère, nous a répondu. «Au cours des deux dernières années qui ont suivi l’extension du programme, 1369 retraités et 858 employeurs se sont inscrits pour bénéficier de ce service dans toute la province, ce qui a donné lieu à 671 jumelages.» Derrière les chiffres, il y a les gens et la réalité. Les entrepreneurs qui voient, grâce à l’Agence, arriver une personne d’un âge respectable peuvent espérer trouver quelqu’un d’expérimenté et prêt à se lancer dans un nouvel emploi. Francine Fournier est agente dans la Péninsule acadienne. Elle travaille sous la direction du Centre de bénévolat. Dans un récent exposé, elle a cité le cas d’une femme qu’elle a guidée et qui s’est ajoutée à une firme comptable. «J’ai une employée… elle a travaillé dans un bureau de comptable. Elle a fait ça toute sa vie. Elle a dit: « Je vais encore le faire », mais elle ne travaille que deux jours par semaine. Ça lui procure un petit revenu et elle peut arrondir ses fins de mois avec ce surplus-là.» Mme Fournier a elle-même passé le cap des cinquante ans. Elle est agente à temps partiel et s’en est dite satisfaite. «Ça fonctionne bien. Je travaille trois jours par semaine. Ça me permet d’arrondir mes fins de mois, ça me permet de rencontrer des gens et de socialiser.» Dans le Sud-Est Selon les chiffres du gouvernement (qui concernent les deux dernières années ayant suivi la création de l’Agence) c’est dans la région du Sud-Est qu’on a recensé le plus grand nombre de jumelages (138). Ted Gaudet assiste les aînés et les employeurs dans cette région. Il a expliqué à l’Acadie Nouvelle la semaine dernière que son agence couvre un territoire délimité par Richibucto, Cap-Tourmentin et Petitcodiac. Cependant, il a précisé que les jumelages se font surtout dans la région immédiate de Moncton-Shediac. L’agence du Sud-Est tombe d’ailleurs sous la responsabilité de la Chambre de Commerce du Grand Moncton. M. Gaudet a estimé que depuis que le service existe, de 300 à 320 «clients» y ont proposé leurs services, tandis que de 200 à 250 compagnies s’y sont inscrites. Celles-ci appartiennent à différents secteurs. «C’est une variété, a expliqué M. Gaudet. Ça peut être des compagnies de services, des firmes comptables ou des compagnies qui font de l’entretien de parterre.» S’il n’a pas de statistiques en main, il a quand même constaté que la plupart des aînés désirent d’abord un emploi à temps partiel. D’autre part, les motivations diffèrent. Plusieurs, ne voulant pas perdre leur «supplément» de pension, tâchent de ne pas excéder la limite des gains annuels permis, qui est de 5000$. «Il y en a qui veulent travailler à temps plein, parce qu’ils sont à court d’argent, tandis que d’autres veulent un emploi parce qu’ils n’ont rien à faire. Ils veulent réintégrer la société, mais ils souhaitent un emploi intéressant, moins stressant. Ils ne veulent pas nécessairement être debout toute la journée, par exemple.» «Une personne qui a passé 38 ans dans l’enseignement ne désire pas en faire à nouveau, mais elle se dira: « Moi, j’aimerais travailler dans une boutique ». Alors on l’aide à trouver une boutique dans laquelle elle peut rencontrer du monde et faire quelque chose qu’elle aime.» Et quel âge ont les plus vieux? «On en a jusqu’à 79, 80 ans. Je pense qu’on a une personne de 84 ans qui cherchait quelque chose. On l’a placée parce qu’elle voulait faire un petit travail de jardinage. On l’a parrainée avec une compagnie qui fait du jardinage.» En outre, le profil des aînés en quête d’emploi peut parfois surprendre. «On a des gens qui ont été ingénieurs, présidents ou propriétaires de compagnie, qui ont travaillé pour le gouvernement toute leur vie, des infirmières, qui ont une bonne pension, mais qui veulent faire quelque chose de différent.» Par contre, la pénurie de main-d’œuvre qui sévissait encore récemment se serait en partie résorbée, a constaté Ted Gaudet. «Quand on a commencé, les compagnies étaient vraiment en peine de trouver du monde parce que c’était à la fin des restrictions de la pandémie. De nombreuses compagnies nous appelaient constamment. Depuis une couple d’années, on dirait que ça s’est calmé, à cause des immigrants qui sont arrivés.» Une contribution des plus pratiques Selon Ted Gaudet, les aînés apprécient l’Agence Emploi Retraite. Plusieurs ne sont pas à l’aise devant un écran d’ordinateur, alors que l’embauche se fait de plus en plus sur internet. L’Agence Emploi Retraite les guide aussi dans la préparation de leur CV et dans l’utilisation des sites tels que Indeed et le portail Guichet-emplois du fédéral. Selon le ministère responsable, l’Agence a contribué, dans les deux années répertoriées, à 119 jumelages dans le Nord-Ouest, 77 dans la Miramichi, 107 dans la Péninsule acadienne, 138 dans le Sud-Est, 60 dans la partie Centre, 65 dans le Sud-Ouest, 74 dans Chaleur et 31 dans le Restigouche. L’Agence Emploi Retraite est également financée par le fédéral grâce à des ententes intergouvernementales. Des aînés dans une situation précaire Les travailleurs du N.-B. tendent-ils à repousser l’âge de la retraite au-delà de 65 ans? La présidente par intérim de l’Association francophone des aînées et aînés du N.-B. Norma Dubé, le croit. Elle a remarqué que deux grandes motivations incitent les gens à repousser l’heure de la retraite. «À 65 ans, on est encore actif et capable de contribuer à notre emploi. Dans ce contexte-là, il y en a qui restent par choix. D’autres se retirent, mais doivent ensuite retourner sur le marché du travail parce que la retraite n’est pas nécessairement ce qu’ils avaient envisagé, ou encore parce que le coût de la vie est tellement cher.» Mme Dubé a rappelé que les retraités n’échappent pas aux difficultés financières courantes (prix de l’épicerie, du logement, impôts fonciers élevés, etc.). En outre, ils sont particulièrement sensibles aux coûts élevés des médicaments et des régimes qui les assurent. Dans certaines circonstances, des choix difficiles peuvent s’imposer. «Plusieurs doivent, soit dépenser pour un régime d’assurance privé, ou payer les médicaments à la pharmacie, ce qui s’avère un gros fardeau. Donc ils font des choix: « Est-ce qu’on réduit l’épicerie ce mois-ci pour payer le loyer ou les impôts fonciers? Est-ce qu’on saute nos médicaments ce mois-ci pour être capable de manger? »» Enfin, la rareté des logements «abordables» peut en laisser plusieurs dans une situation précaire, ce qui crée une nouvelle catégorie de sans-abris, a ajouté la présidente de l’AFAANB.