Dans la 13e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, une audience a mis en lumière un combat encore trop fréquent dans le monde judiciaire : la reconnaissance du droit au congé maternité pour les avocates. Mardi, une vingtaine de robes noires se sont rassemblées pour soutenir Me Lola de Laâge, empêchée d’assister son client pour cause de congé pathologique de grossesse, et contrainte de demander un renvoi de l’affaire. C’est Me Sophie Allaert qui a défendu la demande de renvoi à la barre, rappelant que « rien ne justifie un refus », et que toutes les parties – y compris l’avocat du co-prévenu et ceux des parties civiles – y sont favorables. Mais l’attitude du président de l’audience, Guillaume Daïeff, qui a levé les yeux au ciel, et celle du procureur Pascal Moreau, ont agacé les avocats présents. Le procès finalement ajourné « C’est un problème de sexisme fondamental », déplore Me Sophie Allaert. « Il n’y a que les femmes qui se retrouvent dans cette situation. » Un constat amer qui résonne en 2025 comme un anachronisme dans un monde qui prétend garantir l’égalité professionnelle. Contactée par l’AFP, Me Lola de Laâge a détaillé les circonstances : début avril, sa sage-femme lui a ordonné un arrêt immédiat en raison de contractions fréquentes. Elle a immédiatement prévenu le tribunal, ses clients et les autres parties. « Mon client tenait à ce que je le défende personnellement. Il ne voulait pas d’un autre avocat. » Malgré les tensions, le tribunal a finalement accordé le renvoi du procès à janvier 2026, « afin de préserver la sérénité des débats ». Un cas qui n’est pas isolé Soulagée mais amère, l’avocate dénonce la violence de la procédure : « Je ne comprends pas qu’il faille encore se battre pour faire reconnaître un congé maternité dans un dossier qui ne posait aucune difficulté. » Me de Lola de Laâge, qui exerce seule, incarne un quotidien encore difficile pour de nombreuses femmes au barreau. Le Syndicat des avocats de France (SAF) rappelle que ce cas n’est pas isolé. En octobre 2024, un procès avait été reporté in extremis à la demande de Me Fanny Vial, enceinte elle aussi. La cour d’appel de Paris avait reconnu l’accouchement comme un « empêchement légitime », mais cette décision était intervenue tardivement, malgré une demande formulée plusieurs mois à l’avance. Encore une froideur institutionnelle « Dans la plupart des cas, ça se passe intelligemment », nuance Emmanuelle Wachenheim, première présidente de la cour d’appel de Paris. Elle assure que les échanges avec le barreau sur ce sujet sont « satisfaisants ». Pourtant, pour Judith Krivine, présidente du SAF, « la maternité des avocates n’est pas encore pleinement intégrée dans l’institution judiciaire. Le congé maternité doit être respecté ». Même tonalité du côté de Me Carole Vercheyre Grard, présidente de l’association Les Mômes du palais. « Alors que nos barreaux déploient des efforts pour accompagner les avocates, certaines juridictions continuent d’opposer une froideur institutionnelle et un refus de principe », assure-t-elle.