Dans le viseur du ministère de l’Intérieur, les centres de rétention administrative (CRA) ont reçu moins d’étrangers en situation irrégulière en 2024 comparé à 2023. Les personnes détenues sont cependant restées plus longtemps, déplorent dans un rapport publié ce mardi 29 avril les associations qui y interviennent. Les CRA sont des lieux d’enfermement où l’administration retient des personnes étrangères en vue de leur expulsion prochaine. Dans leur bilan annuel, les cinq associations pouvant intervenir dans ces lieux révèlent que 40 592 personnes ont été retenues en 2024 contre 46 955 en 2023. 24 634 l’ont été en outre-mer (à Mayotte pour la quasi-totalité) et 16 228 dans l’Hexagone. Parmi les personnes qui ont été enfermées en France métropolitaine, la majorité était de nationalité algérienne (32 %), devant les Tunisiens (12 %), les Marocains (11 %) et les Roumains (4,4 %). Disséminés partout en France, les 25 CRA, dont 4 en outre-mer, permettent de retenir une personne jusqu’à 90 jours, voire 210 en cas d’activités terroristes. En moyenne, les personnes y ont passé près de 33 jours, contre 28,5 l’année précédente, ce qui explique la diminution du nombre de placements, selon les associations, mandatées par l’Etat pour informer ces personnes sur leurs droits. «En quatre années seulement, la durée moyenne en rétention a doublé», expliquent-elles. En 2020, cette durée moyenne était de 16,7 jours, souligne le rapport, dénonçant des législations de plus en plus répressives. «Procédures absurdes et maltraitantes» «Toutes ces évolutions ont des effets délétères» sur «l’état physique et mental» des personnes enfermées, déplorent-elles, évoquant des tentatives de suicide, des actes d’automutilation, des violences et tensions exacerbées. «Un système qui est fondé sur des procédures absurdes et maltraitantes ne peut apporter rien de positif, ni pour les personnes retenues, ni pour l’ensemble des acteurs des CRA, et ni pour notre société tout entière», estime la secrétaire générale de l’association d’aide aux migrants Cimade, Fanélie Carrey-Conte. Au Sénat, où la droite est majoritaire, Les Républicains ont déposé une proposition de loi adoptée en première lecture mi-mars prévoyant d’étendre la durée maximale à 210 jours aux étrangers également condamnés pour un crime ou un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement. Le rapport rappelle pourtant que le placement en centre de rétention ne permet pas d’éloigner plus, puisque 57,6 % des personnes ont été libérées à l’issue de leur enfermement. Les associations notent en outre que l’allongement de la durée passée dans ces lieux ne se traduit pas non plus par une augmentation des éloignements. «L’écrasante majorité» des éloignements (78 %) ont lieu dans les 45 premiers jours et moins de 13 % au-delà de 60 jours. Les assos bientôt évincées ? Dans le collimateur du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui les accuse d’être «juge et partie», les associations se sont inquiétées il y a une dizaine de jours d’une volonté de les évincer de ces structures fermées, gardées par des policiers. En effet, le 12 mai, une nouvelle proposition de loi déposée par la sénatrice LR Marie-Carole Ciuntu sera examinée afin de confier leurs tâches à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, organisme placé sous la tutelle de la Place Beauvau.