Publié le 29/04/2025 à 14h57 • Mis à jour le 29/04/2025 à 21h43 Quand Suzane compose Je t’accuse, elle ne sait pas encore que ce morceau traversera autant de vies. D’abord écrit au piano, dans l’intimité, le titre devient en quelques jours un objet d’art collectif, porté par une multitude de visages, de vécus, d’émotions. Un clip réalisé par Andréa Bescond – qui ressemble davantage à une performance politique qu’à un simple habillage visuel – a déjà été visionné plus de 335.000 fois sur YouTube. « Je ne voulais pas porter ce cri seule. Un cri, ça résonne plus fort ensemble », confie Suzane. Pour 20 Minutes, l’artiste revient sur la composition et la réalisation de ce titre fort. Quelques notes de piano… Un piano, une solitude, une douleur refoulée. « J’ai l’impression que ce titre a déjà plusieurs vies, alors qu’il vient à peine de sortir », raconte-t-elle. C’est dans cet écrin brut que Suzane a composé Je t’accuse, un titre né « avec les tripes », dans un moment où « le cerveau ramène ce qu’on croyait avoir enterré ». « J’étais seule chez moi, et quelque chose m’a explosé à la tête. Ce que je n’avais pas réglé revenait me hanter. » Face à son piano, qu’elle compare à « un psy », l’artiste écrit des mots qu’elle pensait garder pour elle. « Cette chanson, je pensais que j’allais la garder pour moi », confie-t-elle. Mais très vite, une évidence surgit : Je t’accuse est née pour briser la honte. « Ce sont des chansons avec lesquelles on espère être comprise. » Derrière « Je t’accuse », il y a un « on » Parmi les premières personnes à écouter le morceau : Andréa Bescond, autrice et réalisatrice du bouleversant Les Chatouilles. « Elle a écouté la chanson, et quelques minutes après, elle m’a écrit : Je veux faire les images. » Très vite, les deux femmes décident que le clip ne mettra pas en scène Suzane seule, mais une chorale d’émotions et de résistances. « Je t’accuse est porté par beaucoup de personnes. Derrière ce titre, il y a un on plus global », souligne-t-elle. Le clip est conçu comme un geste politique : sur fond noir, en plans serrés, des visages se succèdent face caméra. Parmi eux, des personnalités publiques – Muriel Robin, Catherine Ringer, Charlotte Arnould (qui accuse Gérard Depardieu de viols), Caroline Darian (la fille de Gisèle Pelicot) – mais aussi des anonymes, invitées via un appel lancé en story Instagram. « C’était important de montrer qu’on n’est pas seules. Dans ces combats-là, on est souvent isolées. » Sur le tournage, une énergie collective Le jour du tournage, Suzane décrit une ambiance chargée d’émotion et de soutien. « Chacune savait pourquoi elle était là. Chacune apportait son histoire, sa force. » « Après le tournage, j’ai reçu des messages me disant que ça avait été un moment libérateur, un moment intense mais beau. » Catherine Ringer, Muriel Robin, comme les anonymes, ont rejoint le projet sans hésiter. « Ce n’est pas moi qu’elles sont venues soutenir. C’est le message. ». À la fin de cette journée intense, plusieurs participantes lui confient que ce moment a été une étape de leur reconstruction. « Ça m’a bouleversée. Ce que je pensais être juste une chanson est devenu un outil, un passage. » Une libération en cascade Depuis la sortie du clip, les réactions s’enchaînent. Plus de deux millions de vues cumulées en vingt-quatre heures, des relais dans toute la presse, et surtout, des centaines de commentaires de personnes qui racontent leur histoire. « Depuis que la chanson est sur YouTube, les gens sont touchés, et ça me rend heureuse. Mais ça me rend aussi tellement triste de me dire qu’autant de personnes se retrouvent dans ces paroles. C’est un sentiment partagé. La chanson a été accueillie, non pas à bras ouverts, mais à cœur ouvert », souffle-t-elle. « Il y a des récits qu’on préférerait ne jamais lire. Mais ils existent. Ils doivent être entendus. » « J’ai juste posé une pierre… » Aujourd’hui, Suzane espère que cette chanson vivra bien au-delà d’elle-même. Avec Je t’accuse, elle n’a pas seulement composé un morceau. Elle a déclenché un écho.