Régulièrement, lematin.ch invite différents intervenants à livrer leur regard sur l'actualité, qu'elle soit politique, sportive, économique ou culturelle. Au zoo de Barcelone, les animaux vieillissants qui ne peuvent être réintroduits dans la nature, notamment les éléphants, pourront continuer à vivre paisiblement dans un enclos agrandi. Et même recevoir des soins gériatriques spécialisés. Zoo de Barcelone Jean-Charles Simon est animateur radio et télévision, comédien et metteur en scène. Il a également été Conseiller national (1995-1999). La gestion de la fin de vie est sans doute devenue la question sociétale la plus délicate à résoudre pour les citoyens d’aujourd’hui. Surtout ceux des pays qui ont le privilège de vivre en paix. Plus que n’importe où ailleurs, ce débat politique est évidemment très agité en France, où l’on continue à croire que tout peut être résolu par une loi, hélas, souvent impossible à formuler, par inaptitude historique au consensus. Qu’on soit croyant ou agnostique, médecin ou patient, donateur ou héritier, même jeune ou vieux, on peut sans doute tous se rejoindre sur un point: quand «c’est l’Heure, c’est l’Heure». Mais, c’est la suite de la fameuse maxime (que l’on doit au chansonnier anarchiste montmartrois Jules Jouy) qui pose problème: «Avant l’Heure, c’est pas l’Heure, après l’Heure, c’est plus l’heure». Et c’est là que les partisans de l’euthanasie, du droit à mourir ou des soins palliatifs ont tendance à s’affronter. D’autant plus violemment, bien sûr, qu’ils sont moins personnellement concernés par l’urgence du problème. Les premiers, sans vouloir aucunement les blâmer, pourraient avoir tendance à anticiper l’instant. Les deuxièmes, bien qu’ayant signé un contrat, pourraient oublier de regarder la Grande Horloge, quitte à perdre leur droit de partir. Et les troisièmes, à rester englués dans le dilemme, énoncé par André Malraux et repris par Souchon: «La vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie…». Or, l’actualité, souvent étonnante, nous apprend que ce choix difficile n’est désormais peut-être plus réservé qu’à l’espèce humaine. Bien avant le véritable essor de l’antispécisme, c’est Stéphanie de Monaco qui avait un jour affirmé, avec une certaine candeur, lors d’une interview restée mémorable: «Après tout, les bêtes sont des hommes comme les autres». En l’occurrence, les animaux des zoos s’en rapprochent. En effet, jusqu’ alors, ils vivaient sous la terrible jurisprudence d’un article paru le 15 janvier dernier, dans la revue américaine de la PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences) selon lequel la solution des zoos pour gérer leurs animaux adultes était d’adopter celle de la nature: la mort, par «un abattage planifié et respectueux des adultes avant leur vieillesse», mais après leur avoir permis de se reproduire. C’est donc avec un immense bonheur que les amis des bêtes, comme Stéphanie de Monaco, ont appris la semaine dernière, grâce à un reportage signé Euronews, que la résistance s’organisait contre le PNAS. Et qu’au zoo de Barcelone, en contradiction avec la doxa des spécialistes, les animaux vieillissants qui ne peuvent être réintroduits dans la nature, notamment les éléphants, pourront continuer à vivre paisiblement dans un enclos agrandi. Et même recevoir des soins gériatriques spécialisés.