"M'envoyer en l'air" : ce que Yannick Noah n'a jamais dit sur le lendemain de sa victoire à Roland-Garros

Le 5 juin 1983. Les fans de tennis n’oublieront jamais cette date. Les Français non plus. Et Yannick Noah encore moins. Ce jour-là, à seulement 23 ans, il est devenu le premier joueur tricolore à remporter Roland-Garros en battant Mats Wilander. Les images resteront gravées. Mais pour le tennisman, cette journée a aussi marqué le début d’une descente aux enfers. "J’ai survécu à une profonde dépression. Ça a été compliqué, parce que j’étais un peu seul", résume-t-il sur M6. Ce jeudi 1er mai, Yannick Noah fait partie des personnalités ayant accepté de se livrer à cœur ouvert dans le documentaire Santé mentale, briser le tabou. Pour lui, tout a basculé lorsqu’il est devenu le roi de la terre battue. "J’avais 23 ans, j’étais en pleine forme. Ma priorité, depuis que j’avais 12 ans, c’était de gagner ce tournoi de Roland-Garros. Tous mes potes étaient là, tous les gens que j’aimais étaient là. Mon père saute sur le court. C’était parfait. Le bonheur, c’était de gagner cette coupe", se souvient-il. © Bestilage Yannick Noah : "Je me jette, je n’en peux plus" Mais tout est allé très vite pour Yannick Noah. Et cette victoire tant attendue, celle dont il rêvait depuis l’enfance, l’a paradoxalement plongé dans le vide. "Le lendemain, j’étais perdu. Je ne savais pas ce qu’il se passait", confie-t-il encore, les larmes aux yeux. À l’époque, personne ne comprend le mal-être qu’il traverse. "Tous les gens autour de moi pensaient que j’étais en train de vivre ma meilleure vie. Mais j’avais envie de m’envoyer en l’air. J’avais envie de partir, assure-t-il. Parce qu’une fois là-haut, on ne m’a pas donné le mode d’emploi." Bouleversé par sa victoire à Roland-Garros, Yannick Noah pense alors au suicide, isolé dans une profonde solitude. "Dans cette période-là, le sentiment était très précis. Je marchais seul dans la rue, la nuit, à Paris. J’attendais qu’il n’y ait personne, je regardais la Seine et je me disais : 'Je me jette, je n’en peux plus'", confie encore l’ancien champion, aujourd’hui reconverti en chanteur. Depuis, il a réussi à remonter la pente. Il a souffert d'être loin de ses parents Mais il en est conscient : sa dépression est aussi liée à son ambition sportive, et à une enfance hors normes. "Je suis parti de chez moi, j’avais 11 ans et demi. Mes parents habitaient en Afrique, au Cameroun. Je suis arrivé en pension, j’avais 12 ans. J’ai vécu loin de mes parents toute ma vie, en gros. En fait, ma mère a sacrifié son gamin. Par amour ! Parce qu’elle savait que j’étais passionné. Mais elle a sacrifié les moments avec son gamin pour me donner la chance de vivre mon rêve", raconte-t-il sur M6. "C’est fort, mais ça avait un prix… On n’avait pas du tout imaginé qu’à 12 ans, j’étais un petit mec. Je n’ai pas eu d’adolescence, en fait. Je n’ai jamais eu un câlin. (…) On n’a jamais parlé de ça parce que ça marchait. (…) J’ai mis plein de choses de côté. J’ai su plus tard que je recherchais l’amour et la reconnaissance de ma mère à travers les applaudissements des gens, analyse le seul Français titré à Roland-Garros dans l’ère Open. Ça voulait dire que j’étais aimé. Le jour où je me suis dit que ça allait être l’amour suprême… Les gens ne me connaissent pas."