Un récital exceptionnel de Thomas Ospital pour le réveil des "grandes orgues" de l'église Saint-Michel, ce dimanche à Draguignan

En franchissant la porte de l’église Saint-Michel, un son émanant du haut de l’imposant édifice retentit. Il s’impose en maître des lieux, signifiant ainsi un retour imminent. Cette voix qui résonne et dévoile peu à peu toute sa puissance est celle des grandes orgues(1). Dimanche, après deux ans et demi d’importants travaux, l’instrument aux tuyaux de cuivre désormais scintillants – la clarté répandue par les vitraux colorés situés juste derrière réchauffe le décor majestueux – livrera l’étendue de son jeu (2)… Avec "élégance". Démarrée en septembre 2022, la restauration de l’instrument a pu aboutir grâce à l’impulsion du père José Van Oost, ancien curé de la paroisse de Draguignan, malheureusement décédé depuis. Denis Marconnet et Jérémy Noyer ont œuvré main dans la main pour redonner vie à l'orgue de St MIchel. Photo C.Cz. Organiste titulaire de Saint-Michel "depuis l’âge de quinze ans", Jérémy Noyer salue le soutien apporté. "Il ne se passait pas un jour sans qu’il n’y ait de problèmes mécaniques, se remémore le musicien. Nous lui en sommes reconnaissants car il a été instrumental dans les négociations qui ont duré trois ans." Une restauration dont le coût s’élève à 80 000 euros, entièrement financé par la municipalité. "L’ orgue est immeuble par destination, il fait partie intégrante de l’église", justifie Denis Marconnet, 49 ans, facteur d’orgue originaire de la Loire. Grâce à son savoir-faire, "des travaux d’urgence et de première nécessité" ont donc été menés à bien. "Ils se sont déroulés en deux temps, détaille-t-il. Les pieds des tuyaux de façades en étain s’affaissaient. L’un d’entre eux était carrément dessoudé. Il aurait suffi d’un courant d’air pour qu’il bascule, se souvient le professionnel, désignant du regard l’immense tuyau en question. Ils ont été refaits à neuf et renforcés." Un orgue, c’est comme un patient sur une table d’opération. Si les pièces maîtresses ont été partiellement restaurées sur place, d’autres se sont vues démontées et transportées en atelier. Effectuée en profondeur, la restauration a permis de remettre sur pied l’instrument à vent multiforme datant de 1980 (3) et baptisé Laval et Thivolle, du nom de ses concepteurs. "Il a fallu reprendre toute l’étanchéité des sommiers car il y avait des fuites de tous les côtés. Une partie de la mécanique a été remplacée, celle des notes et des jeux notamment", poursuit-il. Et le nombre d’heure de travail n’est pas quantifiable : "Nous avons eu beaucoup de mauvaises surprises. Un orgue, c’est comme un patient sur une table d’opération. Et le facteur d’orgue, c’est le chirurgien, éclaire le spécialiste. Il y a tellement de mécanismes, on ne peut pas le démonter pour réaliser un diagnostic ou un devis. On espère juste que le facteur d’origine a bien fait les choses… Et ce n’est pas toujours le cas." L’un des premiers orgues néobaroques allemands du Var Plus de deux années ont été nécessaires pour restaurer l'orgue de l'église Saint-Michel qui a retrouvé sa splendeur d'antan. Photo C.Cz. En tout, plus de 1 500 tuyaux de toutes tailles et de toutes matières ont été rénovés. "Le plus grand mesure cinq mètres, et le plus petit cinq millimètres. » Les pièces ont pu retrouver leurs couleurs d’antan, grâce notamment à "une désoxydation et un vernissage". La sonorité de l’instrument, voulu lors de sa fabrication comme "l’un des premiers orgues néobaroques allemands du Var", a été également revue. "Les anciens timbres étaient très verts, très forts, basés sur l’acidité. Ils ont été homogénéisés, il y a plus de corps, de profondeur", assure Denis Marconnet, qui entretient 80 autres instruments par an. Et Jérémy Noyer d’enchaîner : "Nous sommes dans la finesse !" La voix de l’orgue qui s’éveille Deux ans et demi de travaux ont été nécessaires pour redonner vie à l'orgue de St Michel. Photo C.Cz. C’est donc l’heure des derniers réglages. Les nombreux outils dispersés sur le sol seront bientôt rangés. Les dernières pièces qui font les petits détails – à l’image de ces étiquettes personnalisées placées au-dessus de chaque jeu, rebaptisés des noms allemands Trompet, Cornet, Waldflöte etc. et conçues par Caroline Noyer, épouse de Jérémy – trouveront leur place sur la façade ainsi qu'à l’intérieur du grand instrument, finalisant ainsi la renaissance de l’œuvre. "C’est toujours un moment fort, on laisse un peu de soi dedans, confie Denis Marconnet. En le livrant, on tourne une page de notre vie professionnelle. C’est comme si on me donnait les restes d’un frigo, et qu’on me demandait d’en faire un plat gastronomique", expose-t-il. Cerise sur le gâteau, c’est un "chef trois étoiles, la crème de la crème des organistes français", assure le facteur d’orgue, qui viendra jouer l’instrument ce dimanche, pour l’inauguration. Thomas Ospital, organiste en chef de l'église Saint Eustache à Paris, livrera un récital dimanche après-midi, en l'église St Michel. Photo DR . En effet, Thomas Ospital, organiste titulaire en chef du grand orgue de l’église Saint-Eustache à Paris et professeur au Conservatoire national supérieur de musique de la capitale livrera un récital exceptionnel, à partir de 16 heures. Plus de 1500 tuyaux ont été désoxydés et vernis. Photo C.Cz. Mais avant cela, le matin, lors de la célébration de la messe de 10 heures, les fidèles de l’église Saint-Michel pourront découvrir les nouvelles sonorités de l’instrument à l’occasion d’une bénédiction liturgique, "en huit apostrophes et en présence de deux chorales (4)", souligne Jérémy Noyer, honoré de redonner vie au mastodonte. La sonorité de l'instrument a été revue. Photo C.Cz. "Il y a beaucoup d’émotion et de responsabilité. C’est un moment historique pour cet instrument. Il y a une part d’improvisation, c’est la voix de l’orgue qui s’éveille. Il faut être à la hauteur de l’évènement, d’autant plus en présence de Thomas Ospital", soulève le directeur adjoint du Conservatoire d’agglomération. À ce titre, l’orgue de Saint-Michel reprenant ainsi son rôle pédagogique, des visites seront effectuées dès lundi par les élèves des écoles dracénoises et de nombreux récitals seront donnés lors d’évènements culturels, à l’image du prochain festival Play Bach. 1. Les "grandes orgues" s’est employé au féminin jusqu’au XVIIIe siècle 2. Un jeu est un ensemble de tuyaux harmonisé pour former une même sonorité sur le clavier. 3. L’orgue a remplacé l’instrument d’origine, déjà propriété de l’église et donc municipale. 4. La schola de l’église Saint-Michel et la chorale paroissiale des Arcs-sur-Argens. La présentation du tableau Le Vœu de Louis XVI (2e à gauche) aura lieu dimanche, en l'église St Michel. Photo C.Cz.