UBB-Stade Toulousain : "Je sais que l’hégémonie toulousaine pose pas mal de problèmes !" Ugo Mola prêt pour le grand défi en Champions Cup

Avant tout, quelle est votre réaction par rapport à la cascade de blessures que vous avez dû affronter ? Une réaction un peu fataliste. Cela s’est un peu enchaîné depuis 15 jours avec des blessures un peu malheureuses, évidemment liées à l’intensité souvent des matchs. Et puis une ou deux un peu plus embêtantes, notamment celle de Peato Mauvaka qui se fait quasi seul (le genou, NDLR) sur notre fin d’entraînement de mardi. Et idem pour Thomas Ramos. Ce n’est jamais idéal d’avoir de nombreux joueurs de cette qualité-là absents dans ce genre de moment. Mais on va espérer que notre puits reste intarissable et que, de l’intérieur, se révéleront pleins de joueurs. Alors après, quand c’est Peato Mauvaka qui se blesse, on est tellement navrés pour lui au regard l’état de forme qui était le sien, mais que c’est Julien Marchand qui prend la main avec Guillaume Cramont et Thomas Lacombre en troisième, on pourrait être plus mal lotis sur le sujet. Donc il y a évidemment beaucoup de confiance en nos ressources, mais il nous manque évidemment des joueurs de classe pour certains internationale, pour d’autres mondiale. Comment avez-vous senti le groupe face à ça ? Vous dire que ça n’a pas perturbé les choses, ça serait… (il marque une pause) Ce qui me plaît dans ce groupe, et ça peut peut-être paraître un peu naïf de ma part, c’est que dans ces moments, tu regardes évidemment les personnes qui vont être concernées par la blessure, directement ou indirectement, et tu vois dans leur regard et dans leurs attitudes qu’ils sont avant tout navrés et désolés pour leur coéquipier avant de pouvoir saisir leur chance ou de penser que c’est à eux de jouer maintenant. C’est ça qui est assez remarquable avec ce groupe, c’est ça qui peut-être nous permet d’avoir un groupe un peu différent et c’est ça qui permet peut-être aussi à ce groupe d’avoir un karma qui lui va bien, agréable, avec lequel il vit bien. Parce que oui, on a des pépins. Encore une fois, quand vous avez un effectif avec des Antoine Dupont, Peato Mauvaka, Thomas Ramos, Blair Kinghorn, Richie Arnold et que dans les moments clés, ils ne sont pas là, évidemment, ce n’est jamais simple. Mais j’avais un entraîneur célèbre du Stade Toulousain, en l’occurrence Pierre Villepreux, qui me disait : "Amuse-toi bien à regarder ton équipe type, tu ne joueras jamais avec." Donc, il n’y a pas d’équipe type. C’est ça la réponse en fait. Lien interne vers l’article n°12673380 Dans la dimension stratégique et dans son leadership, dans quelle mesure l’absence de Thomas Ramos peut-elle peser sur votre stratégie ? Je pense que les joueurs ne se remplacent pas. Je pense que l’équipe va s’adapter à une nouvelle composition, à un leadership différent. Et évidemment, quand tu as l’habitude de jouer avec des leaders… Je ne veux pas passer pour le Caliméro de service. On sait tous que c’est très compliqué de jouer sans Thomas Ramos et que sincèrement, si on avait eu la moindre fenêtre pour le faire jouer, on l’aurait fait. Mais on va s’adapter stratégiquement aussi à l’absence de Thomas par notre composition, par notre rugby qui sera peut-être un peu différent. Et pour nous, c’est un petit bout d’inconnu. Donc j’imagine que pour nos adversaires aussi, puisqu’ils ne savent pas trop (ce que cela peut donner) stratégiquement. La rentrée d’un Juan Cruz Mallia, les rentrées de Dimitri Delibes et Ange Capuozzo aux ailes mais aussi cette interrelation que l’on a profonde entre ce qu’on appelle nos pilotes de jeu, nos meneurs de jeu, que sont nos 10, nos 15, nos 9, et aussi notre premier centre Pita Ahki, Ces petites coordinations, ces petits moments qui, évidemment avec Thomas, sont souvent huilés et très bien orchestrés. Écoutez, comme vous, il me tarde demain 16 heures pour voir comment ça va se passer. Les différentes blessures ont-elles influé sur le choix de faire un 6-2 sur le banc ? Oui, un peu dans la mesure où la polyvalence de certains permet parfois certaines choses. Et donc évidemment, quand tu prends le risque de te mettre à 6-2, qui est un réel risque sur des matchs de ce calibre-là, tu es obligé d’avoir malgré tout des spécialistes à certains postes. Donc évidemment, quand tu as Thomas sur le terrain, il ne te couvre pas comme poste, etc. Donc ça a recomposé un petit peu notre banc. Après, on a été très souvent coutumiers du fait pendant des périodes assez longues d’être en 6-2 dans nos années passées. Cette année, en Champions Cup notamment, on était souvent en 5-3 parce qu’une finale, ça ne vous a pas échappé. l’année dernière contre le Leinster, on avait eu le nez. Le concours de circonstances a été heureux pour nous, puisqu’on a eu des blessures assez tôt, notamment de trois-quarts et en l’occurrence de Pita Ahki. Le choix du banc, il n’est bon qu’à la fin du match. Il faut bien comprendre que le banc est devenu quelque chose de stratégique dans le rugby moderne, mais au départ, c’est un par ligne pour suppléer une blessure par ligne. En gros, c’est pour ça qu’on a mis huit remplaçants. Moi, je suis un fervent militant avec Jérôme (Cazalbou, NDLR) de faire évoluer les règles pour avoir un peu plus de ressources sur le banc, mais moins d’entrants. On essaie de militer pour que les règlements évoluent. Je pense qu’on finira par arriver, un peu comme au foot, avec un parterre de remplaçants et stratégiquement, en fonction des besoins, un nombre de changements qui pourra évoluer. Mais aujourd’hui, le 6-2 nous paraissait le plus approprié même si les conditions météo paraissent s’arranger et qui peuvent s’avérer assez compliquées. Lien interne vers l’article n°12673345 Est-ce que ce sera un avantage si vous jouez sous la pluie ? Je crois qu’il y a toujours ce débat, puissance des avants, vélocité, force de frappe des trois quarts, etc. Je pense que l’équipe qui gagnera sera celle qui gagnera avec l’ensemble de ses forces au moment opportun et la capacité que l’une ou l’autre aura à s’adapter à ce que l’un et l’autre proposera. Je ne suis pas sûr que le Stade Toulousain apprécie de jouer depuis la nuit des temps sous des trombes d’eau. Mais peut-être que si je gagne comme ça, je vous dirai que c’était la bonne météo. Mais non, on est plutôt fans de pouvoir se faire deux, trois passes. Mais encore une fois, je ne peux pas vous le promettre pour demain après-midi. Quand il lui a été demandé qui était favori cette semaine, Yannick Bru a répondu par cette question : "Sur qui vous parieriez votre maison ?" Vous, vous parieriez la vôtre sur qui ? Sur Toulouse. Vous voulez que je la parie sur qui ? (rires) Je vais la parier sur Toulouse, bien évidemment. On est champions en titre, on sort d’un doublé, on est très amoindris mais on croit en nous. Sinon, il ne faut pas que je sois l’entraîneur de Toulouse. Vous voulez que je sois l’entraîneur d’où ? Et demandez si le président va jouer la sienne sur Bordeaux, ça sera la même. Non, moi je trouve que la capacité qu’a Bordeaux à se sortir d’un environnement sous pression parce qu’ils jouent chez eux, parce qu’il y a sur les 12 dernières demi-finales une seule victoire à l’extérieur, de nos amis de La Rochelle à Lens contre le Racing. Une victoire en demi-finale à l’extérieur, c’est 92 % de chances de la perdre, statistiquement. Donc là, vous pourriez parier pour Bordeaux. Mais l’entraîneur de Toulouse que je suis va quand même essayer de croire aux 8 % de chances restantes. Lien interne vers l’article n°12673252 Vous retrouvez Bordeaux en phases finales pour la deuxième fois en quelques mois. À quel point diriez-vous que cette UBB est en train de grandir pour un peu essayer de bousculer ? Franchement, on ne va pas faire de langue de bois. Il y a de grandes chances de penser, ou en tout cas il faudrait se voiler la face, que les Bordelais, en jouant les premiers rôles régulièrement, ce qu’ils sont en train de faire depuis deux, trois saisons, à un moment ou à un autre, ça va tomber de leur côté. Nous, on croit à ça avec Didier (Lacroix), Jérôme (Cazalbou). On croit que jouer les premiers rôles te permet à un moment d’exister et de gagner des titres. Ce n’est pas en montant un truc fulgurant et en essayant de gagner. La structuration de ce que fait Bordeaux depuis des années est hyper cohérente. Il y a une progression constante, il y a de la stabilité dans les effectifs, dans la formation. Donc c’est un club qui fait son chemin et le chemin est évidemment admirable. Il n’y a aucun souci sur le sujet. Après, évidemment que nous, on essaye de continuer. Alors je sais qu’en ce moment, l’hégémonie toulousaine pose pas mal de problèmes à plus de titres mais on essaie de la conserver parce qu’on essaie d’être performants. Mais rien ne nous est garanti. Et vous savez, il y avait un vieux coach des 49ers, Bill Walsh, qui est quand même un des grands coachs des années 90 dans cette activité, qui disait : "Si vous gagnez tout le temps, c’est que le jeu est bien trop simple." Je ne pense pas que le jeu soit trop simple. Quand vous vous voyez qu’il va y avoir en Challenge Européen et en Champions Cup une équipe française finaliste, c’est bien que le championnat français, c’est bien que la manière dont se structurent les clubs, et Bordeaux dernièrement, mais ça a été La Rochelle, le Racing, Clermont, il y a Toulon qui arrive quand même avec la stabilité et de la force. Donc on a un championnat qui va être de plus en plus incertain. On a une Champions Cup qui va demander d’être de plus en plus performants pour pouvoir jouer sur les deux tableaux. Les internationaux nous amènent à jouer sur trois ou quatre tableaux parce que malheureusement quand on en a beaucoup… Mais Bordeaux, force est de reconnaître que c’est admirable encore une fois parce que le chemin qui est le leur, la construction, la stabilité, le rugby qu’ils proposent… Comme je vous l’ai dit, je suis entraîneur de Toulouse, formé à Toulouse et fan de Toulouse mais ce n’est pas complètement con que de trouver Bordeaux très bon. Et que ce qu’ils font est plutôt très bien. Donc nous, on s’inspire, on n’est pas très jaloux, peut-être à défaut d’autres. On n’est pas très envieux mais par contre on s’inspire et on regarde ce qui peut se faire de mieux ailleurs. Et je pense que Bordeaux a très certainement des choses à nous apprendre dans des secteurs. J’ai lu l’article de leur président (dans L’Equipe ce samedi, NDLR), il peut venir quand il veut être commercial au Stade Toulousain, très bon. Lien interne vers l’article n°12672151 Que peut changer l’arbitrage étranger entre deux équipes qui ont l’habitude de se jouer ? Beaucoup de choses parce que peut-être que la connaissance d’Andrew Brace, notamment dans son appréhension de la compétition, dans le niveau d’exigence des arbitres internationaux de ce niveau-là, et évidemment dans la capacité, peut-être, de un peu moins connaître les statuts des uns et des autres, que parfois notre championnat peut faire pencher la balance dans certains résultats. Moi, je ne crois pas, encore une fois, que nos arbitres français sont moins bons que les arbitres étrangers. Mais je pense que de décontextualiser la chose permet aussi d’avoir des arbitres très au fait de la règle du moment. Sur deux équipes comme Toulouse et Bordeaux qui ont envie de provoquer les choses et de faire des choses, l’arbitrage va compter mais à nous de nous adapter très rapidement à lui. Mais on a la chance d’avoir un arbitre de très haut niveau et c’est évidemment la compétition qui veut ça. Vous parliez du peu de clubs ayant gagné leur demi-finale à l’extérieur mais il y a une autre stat qui parle plutôt en votre faveur : depuis Brive lors de l’édition 1997-1998, le Stade Toulousain n’a jamais perdu en phases finales contre un club français en Coupe d’Europe… Vous savez bien que la statistique est la forme la plus avérée du mensonge. On se sert de celles qui nous vont bien et on oublie celles qui ne nous vont pas (sourire). Je pense qu’on a un bon karma contre les Français (rires). Ça, c’est le Stade Toulousain et ça nous le prouve depuis des années (rires). Un karma ou un ascendant psychologique ? Je ne sais pas. Il y a peut-être un peu des deux. Mais je ne sens pas les Bordelais, au-delà de la finale et du truc qui peut-être était à l’excès en termes de résultats et d’orgie d’essais qui clôturait une saison qui pour nous était incroyable. Pour eux aussi, sauf que peut-être qu’il y avait un match de trop. Mais une fois que tu as dit ça, nos confrontations sont toujours très serrées. Ce sont plutôt des matchs âpres, des matchs sur lesquels il y a des faits de jeu qui comptent fort. L’effet que l’on peut avoir sur les autres, il est évident et on ne peut pas s’en cacher mais ce qui est la force de ce club, c’est de croire en soi ou en nous. On croit en nous. Après, comme je vous le disais, si on joue un jeu trop simple, on gagnera tout. Sauf que ce n’est pas le cas. Oui, sur les 4-5 dernières saisons, on est performants. Mais je vous rappelle que pour battre le Leinster en finale l’an dernier, il fallait tout, tout, tout, tout, tout. Et que pour gagner, c’est dur, c’est long, c’est âpre, il y a de la casse. Je ne sais pas si on a un ascendant psychologique, je sais juste que ce groupe vit incroyablement bien et a envie de performer, de marquer au-delà de La Rochelle, Bordeaux, Toulon et autres, son club et sa génération dans les générations performantes. Vous avez deux étendards (il se tourne vers Didier Lacroix et Jérôme Cazalbou présents sur le côté, NDLR) de la génération des années 90 qui a été ultra titrée. Il y a celle évidemment des années 2000, il y a celle des années 40 et 20, mais à la sortie, ils ont peut-être l’occasion d’être une des générations les plus marquantes de leur club. Et en fait, c’est ça qui nous nourrit tous les jours, qui nous inspire, qui nous motive. Et évidemment, après, sur ton chemin, tu joues des équipes et de magnifiques équipes comme celle de Bordeaux, demain après-midi. À Bordeaux, c’est bien de le rappeler.