"Envie obsessionnelle de tuer", "propos extrêmes", passage à l'acte annoncé... La procureure de Nîmes dévoile les avancées de l'enquête sur l'assassinat d'Aboubakar Cissé

Le meurtrier d'Aboubakar Cissé a agi "dans un contexte isolé", guidé par une "envie de tuer, quelle que soit la cible", a déclaré Cécile Gensac, vendredi, lors d'une conférence de presse. Une semaine après les faits, le parcours meurtier qui a coûté la vie à Aboubakar Cissé se précise. La procureure de la République de Nîmes, Cécile Gensac, a tenu une conférence de presse, vendredi 2 mai, sur le meurtre du jeune Malien de 22 ans tué dans la mosquée de La Grand-Combe (Gard) le 25 avril. Après avoir adressé ses "pensées" à la victime et ses "sincères condoléances" à ses proches, la magistrate a détaillé diverses "avancées" de l'enquête, dans l'attente de la remise du suspect à la France, qui pourrait intervenir "d'ici la fin de la semaine prochaine". Voici ce qu'il faut retenir de cette prise de parole. Une victime présentée comme "dévouée" et "agréable" Arrivé en France "aux alentours possiblement de 2018" en tant que "mineur non accompagné", Aboubakar Cissé avait fait "une insertion discrète" à La Grand-Combe, avec "un objectif de vie personnelle sans histoire et volontairement éloignée de certaines mains tendues", a décrit Cécile Gensac. Le jeune homme de 22 ans était considéré comme "quelqu'un de dévoué et d'agréable", freiné par sa situation irrégulière sur le territoire national, qui "avait empêché une meilleure intégration sociale", selon la magistrate. La mosquée où il a été tué "était un refuge lui permettant d'être nourri, de se laver et de se reposer" et où "il s'adonnait notamment à des tâches d'entretien" et "pratiquait sa religion". "Rien en l'état ne permet de supposer qu'il y avait déjà croisé le parcours de son agresseur", qui était, lui aussi, domicilié dans la commune, a souligné la procureure. "57 plaies" retrouvées sur le corps Arrivé à la mosquée "vers 6 heures du matin", Aboubakar Cissé a été tué le 25 avril vers "9h30", et non 8h30 comme indiqué sur les caméras de vidéosurveillance, "restées à l'heure d'hiver", a fait savoir la procureure de Nîmes. Son agresseur était entré dans le lieu de culte peu après 8h45, y restant d'abord "quatre minutes", avant d'en ressortir pour s'asseoir sur un banc et consulter son téléphone. De retour dans la salle de prière, il a échangé avec le jeune Malien "de 9h11 à 9h14". Il lui a alors asséné trois séries de coups de couteau, dont la dernière qu'il a filmée et diffusée sur Instagram. L'autopsie a permis d'identifier "57 plaies par objet tranchant à l'origine du décès", a dévoilé Cécile Gensac. Le suspect avait été banni de Discord et TikTok La vidéo montrant le corps d'Aboubakar Cissé a été rapidement signalée à la gendarmerie par deux jeunes femmes, selon la procureure de Nîmes. "Deux jours avant les faits", elles avaient déjà alerté les autorités, via la plateforme Pharos, au sujet de "propos préoccupants de passage à l'acte à venir". Ces derniers avaient été tenus par le suspect sur un serveur Discord, qui avait alors été "supprimé pour cause d'incitation à la haine". Par le passé, l'une des deux femmes avait été bannie d'un premier "groupe à la main de l'agresseur sur le réseau Discord", sur lequel étaient publiées "des vidéos mises en ligne par des personnes se scarifiant en direct". Toutes deux "avaient dénoncé sur la plateforme Pharos les contenus des vidéos de scarification publiées en ce temps-là sur TikTok, ce qui avait conduit à un bannissement de l'intéressé de la plateforme". La seconde femme a décrit le suspect comme "un malade mental, qui avait des fantasmes ou propos extrêmes sur des envies de viol de femmes, de meurtre ou de viol de cadavre, et ce déjà un an en amont", selon la magistrate. Une femme a "vainement tenté de dissuader" Olivier H. Après avoir signalé le suspect sur Pharos deux jours avant la mort d'Aboubakar Cissé, les deux amies avaient pris de soin de "conserver le contact avec le futur agresseur pour tenter de maintenir le lien" et ainsi pouvoir renseigner les autorités, selon Cécile Gensac. "Peu avant les faits", la témoin principale a "vainement tenté de le dissuader de passer à l'acte", a rapporté la magistrate. Celui-ci "avait précisé en amont qu'il allait s'en prendre physiquement à quelqu'un, sans préciser ni qui ni où, et sans faire référence à une ethnie ou une religion". Il s'était montré "épris d'une volonté farouche de tuer quelqu'un et à défaut de se suicider, le tout comme un acte libérateur", selon Cécile Gensac. Au cours de sa conférence de presse, la procureure de Nîmes a dévoilé le contenu d'une conservation avec le suspect, Olivier H., le matin des faits. "Je vais le faire aujourd'hui, je vais le faire dans la rue", dit le suspect. "Tu le connais ?", le questionne un interlocuteur. "Qui ? Non", répond-il. "Je vais m'attaquer à la mosquée ? J'ai pas trop d'idée." Puis, une fois sur place, devant la mosquée Khadidja de La Grand-Combe, Olivier H. lâche : "Il est noir, je vais le faire." Un meurtrier guidé par "une envie obsessionnelle de tuer" "Les ressorts pour agir de l'agresseur sont très vite apparus comme profondément personnels : envie de tuer, quelle que soit la cible, et fascination morbide", a rapporté la procureure de la République. "Les faits apparaissent donc à ce stade construits autour d'une envie obsessionnelle de tuer une personne", a-t-elle détaillé. "L'agression est le résultat d'un individu ayant agi dans un contexte isolé, sans revendication idéologique ou lien avec une organisation qui diffuserait une revendication idéologique qu'elle entendrait porter par l'intimidation ou par la terreur", a-t-elle souligné, justifiant ainsi que le Parquet national antiterroriste ne se soit pas saisi de l'enquête. Le Pnat "demeurera en observation durant tout le déroulé de l'information judiciaire", a toutefois souligné la magistrate. Le suspect a changé d'apparence durant sa fuite Sur la vidéo du crime, après avoir insulté Allah, l'assassin a dit s'attendre à être "arrêté", du fait de la présence d'une caméra dans la salle de prière, a rapporté la procureure de la République. Dans un message écrit à ses abonnés, il a ensuite annoncé "qu'il allait se changer, se couper les cheveux pour cacher les preuves et qu'il fallait qu'il commette deux nouveaux faits pour devenir alors un tueur en série", selon Cécile Gensac. Par le passé, "il avait en outre déjà évoqué qu'après avoir tué quelqu'un, ou il se suiciderait, sans dire comment, ou alors il quitterait directement l'Europe". Après avoir quitté la mosquée à vélo et avoir changé son apparence, le suspect a pris la route de l'Hérault, puis de l'Italie, où il a fini par se rendre au commissariat de Pistoia, près de Florence, "déposé par un véhicule conduit par un tiers". Olivier H., un Français de 20 ans "inconnu jusque-là des services de police", devrait "sous toute réserve" pouvoir être remis à la France "d'ici la fin de la semaine prochaine", a avancé la magistrate. De retour dans l'Hexagone, il sera présenté à un juge d'instruction pour une audition et une possible mise en examen assortie d'un placement en détention provisoire. Une "expertise approfondie" sera également menée pour évaluer sa personnalité et sa responsabilité pénale. Le suspect, né à Béziers, dans l'Hérault, au sein d'une famille chrétienne non pratiquante de 11 enfants, souffre de "problèmes mentaux en lien avec sa pratique des réseaux sociaux", a avancé son oncle, selon Cécile Gensac. Après les faits, Olivier H. s'est lui-même qualifié de "schizophrène".