Déserts médicaux : Comment la ville de Houilles veut attirer des médecins pour ne plus être le bonnet d’âne
A un an des élections municipales, voilà un classement dans lequel aucun maire n’a envie de voir figurer sa commune. Il y a deux semaines, l’hebdomadaire Le Point a publié la liste des pires villes de France en termes d’accès aux soins en s’intéressant au nombre de médecins généralistes par habitant. Dans ce classement, qui n’intègre que les villes de plus de 10.000 habitants, c’est la commune de Houilles, en plein cœur des Yvelines, qui enfile le bonnet d’âne avec un indicateur d’accessibilité potentielle localisée (APL) aux médecins généralistes de seulement 1,2, contre 3,3 en moyenne sur l’ensemble du territoire et plus de 9 pour les villes les mieux dotées. Autrement dit, un Ovillois peut en moyenne avoir accès à un peu plus d’une consultation tout au plus dans l’année au vu de cet indicateur développé il y a une dizaine d’années par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). En découvrant ce classement, on peut se douter que Julien Chambon a vu rouge. « Je ne sais pas d’où ils sortent ces chiffres et ce classement, assure le maire, élu en 2020 sous l’étiquette LREM. On est dans la moyenne départementale et je ne suis pas plus inquiet que mes confrères. » 87 % du territoire classé en désert médical Julien Chambon ne nie pourtant pas que sa ville, classée zone d’intervention prioritaire, est un désert médical. « Mais comme 87 % du territoire national », se défend-il. Frappant d’abord les campagnes, le phénomène des déserts médicaux s’est en effet étendu aux grandes villes. Comme Houilles, ville plutôt paisible de 35.000 habitants située à seulement dix minutes en RER de La Défense, où les familles doivent s’armer de patience pour trouver un rendez-vous chez un médecin, beaucoup refusant tout nouveau patient. « C’est frustrant de voir qu’il y a un médecin juste à côté de chez soi, mais qui ne peut pas nous accepter », reconnaît Julien Chambon. Contrairement à certaines zones rurales, la commune des Yvelines ne souffre pas de son isolement et offre même un cadre de vie plutôt attractif. Le problème, comme presque partout en région parisienne, vient du coût des loyers. « Cela coûte très cher de s’installer dans un cabinet pour un jeune médecin qui n’a pas encore constitué sa patientèle », assure le maire Renaissance. Des locaux à un euro le mètre carré Pour lever ce frein à l’installation, l’élu a donc décidé d’agir il y a un an environ en proposant aux professionnels de santé des locaux peu ou pas utilisés par la municipalité à seulement un euro le m². En contrepartie de ce coup de pouce financier, les médecins s’engagent à rejoindre la future maison médicale qui sera livrée dans un an et demi. Avec là aussi un loyer qui sera inférieur de 30 % au prix du marché. Pour l’heure, cinq professionnels se sont déjà installés et neuf places sont encore à pourvoir dans la maison médicale qui comprendra quatorze cabinets. Une fois les médecins trouvés, l’équipement devrait permettre de revenir à une situation plus acceptable pour les habitants de Houilles. « Au moins pour les médecins généralistes car on sait très bien que certains spécialistes sont très rares comme en dermatologie ou en ORL », concède le maire. Pour les publics fragiles (personnes âgées ou à mobilité réduite), la commune francilienne a également mis en place un minibus gratuit pour leur permettre d’honorer les rendez-vous médicaux. Une mesure en réponse aux taxis dont beaucoup « ne jouent pas le jeu et refusent ces petites courses car elles ne sont pas assez rentables selon eux », poursuit Julien Chambon. « Une politique de l’attractivité et non pas de la contrainte » Alors que les médecins étaient dans la rue mardi pour défendre la liberté d’installation, l’élu Renaissance ne croit pas non plus que l’obligation pour les médecins d’exercer deux jours par mois dans les déserts médicaux soit une solution pour résoudre le problème. « La question n’est pas simple, mais je pense qu’il faut plus mettre en place une politique de l’attractivité et non pas de la contrainte, indique-t-il. Il faut avant tout lever les freins pour favoriser l’installation de médecins dans des zones sous-dotées et le fait de les regrouper entre eux dans une maison médicale peut être une réponse. » Selon les dernières données de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, la France comptait 1.229 centres de santé médicaux et polyvalents, dont 976 avec un médecin généraliste, en 2023.