"Il faut arrêter d’avoir peur de tout et de se protéger en légiférant à tout-va": les propositions de l’économiste Nicolas Bouzou pour redresser le pays

Qualifié de libéral, libéral progressiste ou encore libéral populaire, l’économiste Nicolas Bouzou, auteur de multiples essais, est un fervent défenseur de l’équilibre, cherchant sans cesse à marier liberté individuelle et progrès social. Il était l’invité de Philippe Buerch, dirigeant de la nouvelle "agora stratégique" Everfair à Cannes. L’économiste est venu remonter le moral des troupes avec sa vision optimiste pour demain. "Si les États-Unis et la Chine sont en train d’abîmer l’Europe et la France, ils ne les tueront pas." En une heure, il donne les clés à nos dirigeants pour ouvrir les portes d’un avenir plus serein. Est-ce qu’en France, même accompagnés par l’Europe, on n’est pas un peu foutus, économiquement parlant, avec tel déficit public (169 milliards d’euros, soit 5,8% du PIB)? Il est vrai qu’il y a un réel problème de déficit en France. Déficits de l’État, de la Sécurité sociale… Tous les gouvernements sont coupables. Ils ont été lâches, les entreprises et les Français aussi! Le niveau de la fiscalité est tellement élevé en France que ça en devient un problème économique. Qu’a-t-on fait dans le budget 2025? On a augmenté un certain nombre d’impôts. Tout le monde sait qu’agir ainsi a un effet néfaste sur l’économie mais, visiblement, la prise de conscience n’est pas au rendez-vous. Nos moyens d’action pour sortir du marasme? Une bonne dose d’intelligence et de courage! Déjà, il faut arrêter d’avoir peur de tout et de se protéger en légiférant à tout-va. La maladie de l’Union européenne, c’est la norme. Avec l’arrivée de l’intelligence artificielle, le premier réflexe a été de penser aux fake news qui allaient nous envahir, aux robots qui allaient nous remplacer… Une grande partie du décrochage en Europe provient du manque d’innovation, dû à la dense et complexe réglementation. Il ne tient qu’à nous de remettre de la simplification dans les normes. Aux États-Unis, la politique menée par Trump semble s’asseoir sur toute forme de règles. Un exemple à suivre en France pour avancer? Trump, tout comme Poutine, fait entrer le monde dans une logique impériale. Ils veulent créer un empire, conquérir des territoires. Ils sortent du droit, de la Charte de l’ONU de 1945 [qui interdit à un pays d’en envahir un autre, ndlr]. Tout comme avec la guerre commerciale qu’ils enclenchent, les Américains dénoncent tous les traités qu’ils ont signés avec les autres États. Ils sont entrés dans une zone de non-droit. Amenant un monde de rapports de force. Avec une montée du protectionnisme. Et, ce jeu de surenchère au niveau des droits de douane ne fonctionnera pas. "Œil pour œil, dent pour dent" en matière de commerce, c’est vain. Trump devra, je pense, céder le premier car sa cote de popularité va chuter, alors que celle du président chinois, comment dire… personne ne s’est encore risqué à la calculer [rires]. Pour l’heure, la stratégie européenne est la bonne. Soyons calmes, il n’y a pas d’urgence. De toute façon, on ne peut pas vivre dans un monde où il n’y a pas de règles. Avec les JO de Paris 2024 et la reconstruction de Notre-Dame-de-Paris, la France a quand même fait fi de certaines règles pour avancer. Et le résultat est bon, non? Tout à fait. C’est en cela que je suis optimiste. Donnez aux Français un grand projet et vous verrez de quoi ils sont capables! Les règles d’urbanisme, les délais légaux pour les autorisations, les recours de tiers… envolés! Le Parlement a fait voter des lois de simplification! Et tout s’est bien passé. Gros succès pour les JO, cinq ans de travaux à peine pour reconstruire un édifice classé! Bien entendu, le succès de ces projets est aussi dû à l’argent privé. Les gens ont donné, surtout les entreprises, parce qu’ils savaient où allait leur argent. La question de la confiance en nos politiques est un vaste débat… Économiquement parlant, ils ont tous échoué. Par manque de courage. Il va falloir redevenir fort, économiquement, militairement et énergétiquement. D’abord, si l’on veut investir, il faut dégager davantage de richesses. La mère de toutes les batailles, c’est la croissance économique. En Europe comme en France, elle a décroché depuis 2008. Il faut travailler plus! Non pas seulement augmenter le temps de travail des actifs, mais faire en sorte que ceux qui ne travaillent pas travaillent! Ce qui freine l’engagement à travailler – comme les interdictions du 1er mai, ou du dimanche – doit être supprimé. Ensuite il faut encourager l’innovation. Les vingt prochaines années seront probablement les plus extraordinaires que l’humanité ait jamais connues. Il faut se donner les moyens. Aujourd’hui, aucune innovation majeure n’est européenne. Et l’autonomie militaire de la France? Utopique? On consacre au domaine militaire 1,9% du PIB. 10% pour la santé, 14% pour nos retraites. À quoi cela servira-t-il de vivre plus longtemps si on se fait envahir? À rien. Il faut produire nous-mêmes nos armements, ce qui participera à la croissance économique. Et l’Europe peut le faire! On est en retard pour tout ce qui est énergie… Clairement. C’est pourtant l’une des cartes que l’Europe a à jouer. Les chantiers des centrales nucléaires que nous devons construire en France (il en faudrait 6 ou 7 et il faut compter douze à quinze ans de construction) n’ont pas encore démarré que nous sommes déjà en retard. Il faut accélérer. Se dire qu’on ne prend aucun risque à surproduire de l’électricité, nous la vendrons à nos voisins si c’est le cas. Malgré tout, on vous sent confiant Tout à fait. La France est un pays qui se crispe puis se libère. Depuis 2018, Nicolas Bouzou préside les Rencontres de l’Avenir, événement qui accueille chaque année à Saint-Raphaël plus de 12.000 personnes. Prochain rendez-vous du 7 au 9 novembre 2025.