Le problème avec la saison 2 de The Last of Us, c’est qu’il faut attendre une semaine entre chaque épisode. Soit six jours à compter ses orteils (neuf) et à contempler le temps qui passe. Ou l’inverse. Heureusement, pour celles et ceux dont l’envie de récits post-apocalyptiques serait bien trop forte – et on les comprend -, on a peut-être une solution. Pour occuper le peu d’espace laissé par Pedro Pascal pour des productions sans Pedro Pascal, Netflix dévoile sa propre série survivaliste, L’Éternaute. Adaptée de la bande dessinée argentine du même nom, signée par le scénariste Héctor Oesterheld et Francisco Solano López au dessin (au début) dans les années 50, L’Éternaute raconte le destin d’un groupe de survivants après qu’une terrible et mystérieuse tempête de neige mortelle ait subitement frappé le monde, causant des millions de morts. À l’abri dans la maison de l’un de ses amis, Juan Salvo (Ricardo Darín) doit affronter l’extérieur s’il veut retrouver sa fille disparue. Mais la neige et les pilleurs ne sont peut-être pas les seules menaces ; sous le blizzard, d’étranges créatures rôdent… Sans connaître le support original, on était intrigués par cette série argentine mêlant science-fiction et survivalisme avec un décor hivernal à la Snowpiercer. Les trois premiers épisodes mis à notre disposition, sur les six qui composent la (première ?) saison du show n’ont pas déçu en abordant pas mal de choses sur lesquelles nous allons revenir, sans le budget d’une production américaine. Ce point nous semblait essentiel à aborder puisqu’il est évident que L’Éternaute ne peut rivaliser avec des fleurons du genre question technicité. Certains fonds verts sont flagrants, le casting n’est pas toujours juste, et les économies de moyens se voient ici et là. Toutefois, la série peut se targuer d’être en pleine conscience de ses failles, voire les utiliser à son avantage, pour que ces déficits en deviennent presque invisibles avec le temps. Si vous ne lui demandez pas la lune, vous aurez peut-être une chance de retomber dans les étoiles. Le respect du genre On ne peut reprocher à un récit de rejouer quelques classiques lorsque celui-ci s’inspire d’un modèle paru dans les années 50. Il faut d’ailleurs lui reconnaître que L’Éternaute est plutôt solide lorsqu’il faut flirter sur la ligne entre le stéréotype et le respect du genre, nous offrant ce qu’on attend, pas forcément de la manière dont on l’attend. On entend par là que la série sait ce qu’il est important de soigner lorsqu’on adapte un récit de science-fiction survivaliste, à commencer par son ambiance. Le show de Bruno Stagnaro va s’entourer de mystère autour des événements, de sorte que l’on n’en sache à peine davantage que les personnages, simplement pour titiller efficacement notre curiosité. L’atmosphère de fin du monde est respectée et on a autant de notes d’espoir que de raison de penser que tout va basculer pour le pire à un moment ou à un autre. On peut deviner la suite avec l’expérience de productions antérieures, mais sans jamais avoir la certitude du quand, du qui, du comment et du pourquoi. L’autre point essentiel est évidemment les personnages. On ne peut pas encore vraiment dire que l’on se soit attachés à tous, et tous n’ont pas encore eu leur chance de briller dans ces trois épisodes, toutefois la galerie est assez diversifiée pour donner une fonction à chacun. Les rôles sont définis et les conflits futurs sont esquissés par l’urgence de la situation. À quel moment le besoin de contrôle va se transformer en totalitarisme ? À quel moment les intérêts personnels vont briser des amitiés ? On regrette que les femmes soient, dans cette partie, cantonnées à un rôle maternel d’empathie et de bienveillance là où les hommes sont décideurs, mais on a bon espoir que les choses bougent par la suite, le potentiel latent étant présent. Comme il est de coutume dans ce genre d’intrigue, le pire ennemi de l’être humain reste lui-même. L’Éternaute a ses cartes à jouer Au-delà des promesses tenues sur le fond, on est également assez agréablement surpris sur la forme. Au bout de quelques minutes du premier épisode, on sentait bien que le show pouvait basculer dans une torpeur contenue en matière de rythme, laissant chaque séquence durer jusqu’à l’excès pour gagner du temps. Il n’en est rien et on se satisfait de voir que l’histoire maîtrise son rythme, n’hésitant pas à jouer la montre ou à pousser soudainement un coup d’accélérateur. On n’entre jamais dans ce ton monocorde fatal à de nombreuses séries et les trois épisodes sont passés comme une lettre à la poste avec un intérêt maintenu et une envie de découvrir la suite. Bon, la durée de 40-45 minutes en moyenne aide également. L’Éternaute parvient à faire en sorte que son monde semble crédible, notamment en nous présentant parfois des rôles secondaires avant la catastrophe, pour ensuite nous placer face à la conséquence qu’elle a eu sur ces derniers. Le temps qui passe à un réel impact sur les relations, les prises de décision et notre vision du gentil voisin devenu soudain un être amoral. Et toujours cette question propre au genre survivaliste : qu’aurions-nous fait à la place d’untel ? On a des choix compréhensibles, défendables ou condamnables. Il y a une forme de réalisme au sein de cette situation imaginaire. L’humain reste le centre du sujet, comme la tradition du genre l’exige. Il est encore trop tôt pour savoir si L’Éternaute parviendra à mener sa barque jusqu’à bon bord sans s’écraser sur un rocher au passage. Néanmoins, en l’état, on est face à une série qui a du potentiel et qui a su nous intriguer avec ses enjeux, pour le moment, bien en place. La claque ne sera peut-être pas assez forte pour la placer dans le haut du panier, notamment avec une direction artistique qui manque un peu de moyens, mais pour les amoureux du genre, il n’y a aucune raison de bouder son plaisir. Une jolie proposition à voir sur Netflix.