Les cerveaux du Stade Toulousain, qui affronte Sale ce dimanche en huitième de finale de Champions Cup (16 heures), sont en ébullition. Depuis la grave blessure d’Antoine Dupont au genou, le club de la Ville rose a réfléchi à la possibilité de recruter un joker médical. Problème : trouver un demi de mêlée de très haut niveau à ce moment-là de la saison est quasiment impossible. Surtout si on ne veut pas casser sa tirelire. Car depuis plusieurs semaines, un périscope observe de près les mouvements sur le compte courant des Rouge et Noir. Le 28 janvier, L’Equipe révélait ainsi que Melvyn Jaminet avait lui-même payé la clause de départ de 450.000 euros lui permettant de quitter Perpignan pour Toulouse en 2022. Un montant non remboursé par les Occitans, qui les auraient contraints à dépasser le plafond autorisé par le salary cap. Pour laver ses pêchés, le sextuple champion d’Europe a annoncé le 21 mars qu’il allait verser 1,3 million d’euros à la Ligue nationale de rugby afin de mettre un terme à ce différend. Affaire close ? Pas totalement. Trois jours plus tard, l’Autorité de régulation du rugby (A2R) s’est saisie du dossier. Avec sa grande faux et son panel de sanctions, l’ancienne DNACG du rugby peut venir hanter Ugo Mola et ses ouailles. Amendes, retrait de points, rétrogradation, interdiction de participation aux phases finales, interdiction de recruter, il y en a pour tous les goûts. En état de récidive « Ils ont déjà eu une sanction financière, si on rajoute quelques points de pénalité, ça serait déjà très important, relève Pierre Chaix, économiste spécialiste du rugby. Ça serait une façon de taper sur les doigts des responsables toulousains de manière extrêmement forte. » Sauf que le Stade n’en est pas à son pemier coup d’essai. En 2023, il avait déjà été condamné à 50.000 euros d’amende avec sursis pour le transfert du Sud-Africain Cheslin Kolbe vers Toulon. Communiqué officiel du Stade Toulousain. — Stade Toulousain (@StadeToulousain) February 28, 2025 L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires. Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies J’accepte Une situation qui rappelle un peu le cauchemar vécu par les Saracens en 2020. Alors qu’il marchait sur l’Angleterre et l’Europe, le club londonien avait été relégué en deuxième division pour avoir contourné le salary cap pendant plusieurs années, en investissant notamment dans des sociétés créées par Maro Itoje, Mako ou Billy Vunipola pour pouvoir les rémunérer de manière détournée. Cela avait provoqué la fin de l’hégémonie des Sarries et le départ de nombreux joueurs stars. Le Stade Toulousain pourrait-il connaître la même déflagration ? Contactés pour faire un parallèle entre les deux clubs, la Premiership et les membres de la commission indépendante qui avaient pris la décision de reléguer le club londonien n’ont pas souhaité répondre à 20 minutes. Dans les médias britanniques, comme le Guardian ou le Telegraph, l’affaire Jaminet n’a même pas été traitée. « Normal, les règlements de la Premiership sont différents du Top 14, commente Ben Cisneros, avocat au cabinet Morgan Sports Law à Londres et créateur du site Rugby and the Law. Le niveau du salary cap (environ 6 millions d’euros par club par saison en Angleterre, 10,7 millions en France) n’est pas le même. La façon dont les entreprises sont structurées et comment les impôts sont payés change aussi. » « Aggravation des sanctions en cas de récidive » Selon l’avocat, le cas des Saracens a au moins permis au championnat anglais de durcir le ton sur le contrôle du salary cap, avec une réglementation stricte et un pouvoir d’investigation développé. Ce qui pourrait aussi être le cas dans l’Hexagone, notamment depuis l’élection de Yann Roubert à la tête de la Ligne nationale de rugby. L’ancien président du LOU se dit favorable « à une intransigeance totale sur les sanctions en cas de tricherie » liée au salary cap et une « aggravation des sanctions en cas de récidive », a-t-il expliqué après l’élection. « Des propositions seront présentées au comité directeur dès sa première réunion des 22 et 23 avril, notamment sur la suppression de recourir à la médiation en cas de récidive, l’introduction des sanctions sportives, le renforcement du dispositif de contrôle et le mode de communication des décisions », a informé Roubert dans une lettre adressée au président de Castres, Pierre-Yves Revol, et révélée par Sud Ouest en début de semaine. Tremble Stade Toulousain. Les premières mesures devraient être effectives dès la saison prochaine. Yann Roubert serait également favorable à une baisse du niveau du salary cap en Top 14, ce qui pourrait provoquer quelques remous dans certains clubs. « Tous les joueurs sont motivés assez vite pour venir au Stade Toulousain, reprend Pierre Chaix. Mais quand on voit le nombre d’internationaux aujourd’hui, il va falloir qu’ils résolvent leurs problèmes de riches autrement qu’en trichant sur les règles du salary cap. » Une régulation européenne ? L’économiste et l’avocat anglais sont par ailleurs favorables à la création d’une instance européenne, qui veillerait à une certaine équité pour les compétitions comme la Champions Cup. Mais pas forcément basé sur un salary cap, compliqué à mettre en place. « Je pense qu’une sorte de modèle de fair-play financier, comme l’UEFA a réussi à mettre en place au foot, à travers plusieurs juridictions, serait fiable, indique Ben Cisneros. Il y aurait par exemple interdiction de dépenser plus qu’un pourcentage de ses revenus sur son équipe. » « Le fair-play financier qu’a mis en place le football a le mérite d’avoir une règle simple où les clubs ne peuvent pas dépenser plus que ce qu’ils gagnent, reprend Pierre Chaix. Le rugby, pour moi, aurait intérêt à regarder ce modèle, parce que sinon ça génère des déséquilibres économiques. Il pourrait y avoir une règle de fair-play financier au sens où je ne peux dépenser que ce que je produis avec une marge de 10 %, ce qui serait correct sur des budgets de 30 millions. » Une mesure qui aurait également le mérite de redonner vie à la Champions Cup, bien moribonde depuis que les clubs anglais, empêchés par leurs problèmes financiers, n’ont plus les moyens d’être compétitifs en dehors de leurs frontières.