Un frein sur la poussée des prix ?

Difficile de savoir si l’assouplissement de Washington pourrait, par exemple, inciter des usines canadiennes – essentiellement établies en Ontario – à plier bagage pour le sud de la frontière, selon les experts consultés par La Presse. Usine d’assemblage Chrysler Windsor de Stellantis à Windsor. Un frein sur la poussée des prix ? Un couvercle sur la poussée des prix des véhicules dans l’immédiat, mais une potentielle brèche dans un vieux pacte canado-américain ? Le temps dira si le répit offert à l’industrie automobile par l’administration Trump lui permettra de se rapprocher de son objectif – rapatrier des usines aux États-Unis. Les droits de douane de 25 % sur les véhicules importés demeurent en place et ceux de 25 % sur les pièces détachées restent en vigueur à compter de samedi. Les ajustements se résument ainsi : un rabais sera offert pendant deux ans quand on effectue de l’assemblage final aux États-Unis et l’effet cumulatif des taxes disparaît. Pour la Maison-Blanche, c’est une stratégie qui offrira le temps nécessaire aux constructeurs pour relocaliser des chaînes de montage aux États-Unis. Reste à voir si cette stratégie fonctionnera. On y reviendra un peu plus tard. À court terme, cependant, on peut entrevoir un léger soulagement pour les consommateurs. « Cela risque de coûter un peu moins cher de construire des véhicules, explique Charles Bernard, économiste principal à la Corporation des associations de détaillants automobiles (CADA). Si cela coûte moins cher par rapport à hier pour en fabriquer, c’est le genre de chose que le consommateur devrait voir. » L’industrie américaine est tributaire des importations. Un exemple : quelque 60 % des pièces que l’on retrouve dans les véhicules assemblés au sud de la frontière sont importées. Le secteur nord-américain est « hautement intégré », rappelle M. Bernard. Tout droit de douane ajoute une « friction » qui finit par jouer sur le prix de vente, même au Canada. Gracieuseté de la politique de l’administration Trump, Anderson Economic Group, une firme de services-conseils établie au Michigan, calculait, plus tôt ce mois-ci, que les droits de douane pouvaient faire grimper le prix d’un véhicule de 5000 $ US à 12 000 $ US selon le modèle. Et ces droits de douane sont nombreux. La Maison-Blanche a imposé des taxes de 25 % sur les importations de véhicules. Il en va de même pour les pièces à compter de samedi. Jusqu’aux changements annoncés mardi, les droits de douane étaient également cumulatifs. Par exemple, les constructeurs pouvaient se retrouver à payer un droit de douane de 25 % sur une pièce importée et un autre de 25 % sur l’acier et l’aluminium utilisés dans sa fabrication. Difficile, dans l’immédiat, d’avoir une idée de l’impact sur le secteur automobile canadien, qui bénéficie d’une exemption partielle des droits de douane pour toutes les pièces conformes à l’Accord de libre-échange Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). PHOTO EVELYN HOCKSTEIN, REUTERS Le président des États-Unis, Donald Trump, descend de l’avion à la base aérienne de la Garde nationale de Selfridge afin d’y célébrer ses 100 premiers jours au pouvoir, à Harrison Township, dans le Michigan. De sept à dix ans pour une nouvelle usine Comment soulager l’industrie américaine ? Avec un remboursement aux constructeurs pouvant atteindre 3,75 % du coût de production du véhicule produit aux États-Unis. Ce plafond sera ramené à 2,5 % la deuxième année pour ensuite être éliminé. Avant même son annonce, le plan, éventé notamment par le Wall Street Journal, avait été accueilli favorablement par General Motors, Ford et Stellantis – les trois géants américains de l’automobile. Difficile de savoir si l’assouplissement de Washington pourrait, par exemple, inciter des usines canadiennes – essentiellement établies en Ontario – à plier bagage pour le sud de la frontière, selon les experts consultés par La Presse. Toutefois, cette fois-ci, la Maison-Blanche semble mettre de l’avant une stratégie plus étoffée plutôt que d’annoncer subitement des droits de douane massifs, souligne Richard Ouellet, professeur et spécialiste du droit international de l’Université Laval. On semble vouloir présenter quelque chose de plus durable, dit-il. Avant, on se targuait de ne pas pouvoir identifier le pourcentage américain et canadien d’un véhicule tellement nous étions intégrés. Si cette intégration venait à en prendre pour son rhume, cela pourrait marquer la fin de l’esprit du Pacte de l’automobile. Richard Ouellet, professeur et spécialiste du droit international de l’Université Laval M. Bernard voit le verre à moitié plein. Selon l’économiste principal de la CADA, il faut de sept à dix ans pour démarrer une nouvelle usine d’assemblage. « Rien ne garantit que les États-Unis aient la main-d’œuvre pour le faire, rappelle l’expert. Si on entend des constructeurs dire qu’ils prévoient rediriger des investissements, là, on aura une autre discussion. Mais pour l’instant, rien ne change sur le tissu de l’intégration de l’industrie nord-américaine. » Le Pacte de l’automobile, qu’est-ce que c’est ? Il s’agit d’un pacte commercial ratifié en 1965 entre les États-Unis et le Canada pour éliminer les droits de douane sur les automobiles, les pneus et les pièces, notamment. En échange, les grands constructeurs General Motors, Ford et Chrysler s’engagent à maintenir un seuil minimum de production en territoire canadien. L’entente avait été abolie en 2001, jugée incompatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce. L’accord avait cependant largement été remplacé par l’Accord de libre-échange nord-américain. Source : gouvernement du Canada