Est-ce la première fois que vous venez à Béziers ? Oui, c’est la première fois et je suis ravie parce que je ne connais absolument pas Béziers. Je vais en profiter pour visiter la ville. Vous venez jouer votre quatrième spectacle, pourquoi l’avoir appelé "In Vigneaux Veritas" ? Car je me suis rendu compte que j’étais au sommet de ma vie. C’est le moment où j’ai fini de grimper la montagne. J’admire un peu la vue avant d’entamer la fameuse descente. Je suis pile entre les jeunes et les vieux. Je suis entre la génération de mon fils et celle de ma mère, donc je peux m’adresser aux uns et aux autres du haut de ma montagne parce que je les comprends. Je comprends ce qu’ils ont vécu, je comprends pourquoi ils ne se comprennent pas, et j’ai envie de me moquer gentiment de ces deux parties pour qu’elles se parlent. Et je me disais qu’on peut créer du lien comme ça entre générations. Puis c’est aussi le moment idéal pour dire la vérité. Avant, quand on est plus jeune, on n’ose pas, on a peur de ce que disent les gens. Après, quand on est dans la pente, ce n’est pas qu’on n’a plus rien à dire, c’est qu’on ne s’en souvient plus (rires). Il y aura des vérités légères et d’autres plus difficiles, comme la mort de mon père ou les agressions sexuelles et les viols que j’ai subis. Avez-vous écrit ce spectacle seule ou avez-vous eu besoin d’aide pour faire sortir tout cela ? Non seulement je l’ai écrit toute seule, mais en plus je l’ai mis en scène et, pour la première fois, je le produis seule. C’est-à-dire que j’ai mis en gage la maison que j’ai héritée de mon père qui est décédé, pour payer la production de ce spectacle. Donc, il y a beaucoup de stress et la peur de perdre la maison. Vous avez dit que c’était le spectacle le plus dur que vous ayez eu à écrire, pourquoi ? Parce que faire rire sur la mort de mon père, ce n’est pas évident, même si je trouve ça important. Même lui, je pense qu’il aurait été triste de voir comment j’ai mal réagi à son décès… Et je pense qu’il est heureux de me voir heureuse. J’ai utilisé la mort de mon père pour essayer de rendre le sourire à des gens qui, comme moi, ont mal vécu la perte d’un proche. Puis concernant les agressions et le viol, je n’en avais jamais parlé à personne avant donc il a fallu, déjà, que je me replonge dans mes souvenirs, et que j’écrive ce qui m’était arrivé. C’était compliqué à faire, pas agréable. Et après, encore plus difficile, il fallait trouver quelque chose pour faire rire avec ça. Est-ce que vous vous considérez comme féministe ? Oui, mais je pense que tout le monde est féministe. Le féminisme, cela veut dire égalité en droits des hommes et des femmes. Ne pas être féministe, c’est considérer qu’il y a un des deux sexes qui doit avoir moins de droits que l’autre. Alors, je ne dis pas qu’il n’y en a pas, il y a les masculinistes qui arrivent en force et qui considèrent que les femmes devraient appartenir aux hommes. Mais en dehors de ces débiles, normalement, la majorité des gens sont féministes. C’est une question d’humanité, et il me semble important de dire haut et fort que j’aime les hommes. Vous avez été avocate, pourquoi ce changement vers l’humour ? Est-ce que vous trouvez des parallèles entre ces deux métiers ? Le parallèle, c’est l’oralité, le plaisir des mots. C’est pour ça que j’ai choisi le métier d’avocat, parce que dans mon éducation, enfant, je pense que je n’ai pas eu la liberté de pouvoir choisir le métier que je voulais, à savoir saltimbanque. Il a fallu du temps pour que je comprenne qui j’étais vraiment et savoir que c’est ça que je voulais faire. Et je m’en suis rendu compte quand mon grand-père est mort. Je me suis dit, "moi aussi, un jour je vais mourir". Et le fait de me savoir mortelle m’a donné encore plus envie d’être vivante. Vous avez aussi fait du cinéma, pourquoi ? Ce que j’aime bien dans le cinéma, c’est que c’est une aventure de groupe. Alors que très clairement, ce que je fais aujourd’hui, avec mon spectacle, je suis toute seule. Je travaille avec des gens, mais Il y a moins de monde que sur un film. Sur un tournage, il y a ceux qui font les costumes, ceux qui font les décors, ceux qui gèrent la figuration, c’est une aventure. C’est très agréable de travailler avec beaucoup de monde. Parce que parfois, en one-woman show, ce qu’on ressent et ce qui est pesant, c’est la solitude. C’est pour ça que je suis partie au cinéma. Un dernier mot pour le public biterrois ? Venez, on va rigoler. Et en ce moment, franchement, on en a besoin. Samedi 3 mai, à 20 h, à la salle de spectacle Zinga Zanga, Trav. de Colombiers, Béziers. Réservations en points de vente habituels. Tarifs : à partir de 39 €.