«Ce que j’ai vécu, c’est intense et la vie est tough pour moi. J’essaie de me faire une nouvelle vie», a commenté une des plaignantes après l’audience. «Un livre au complet se ferme pour moi aujourd’hui. Je vais pouvoir enfin avancer à l’école, aller faire mes cours de conduite que je voulais faire… De le voir partir menotté, pour moi, j’ai atteint mon objectif», a ajouté celle dont l’identité est protégée par une ordonnance de non-publication. L’homme de 60 ans avait été reconnu coupable en octobre dernier d’une dizaine de chefs d’accusation en matière sexuelle: contacts sexuels, incitation à des contacts sexuels et agressions sexuelles. Les crimes ont été commis en Mauricie de 2009 à 2019 par celui qu’elles considéraient comme «un père». Le tribunal est revenu sur les agressions subies par la première victime, arrivée vers l’âge de 11 ans chez l’accusé: fellation, touchers sous les vêtements, caresses de clitoris, masturbation sur l’enfant, masturbation avec la main de l’enfant, cunnilingus, utilisation d’un vibrateur, tentatives de pénétration… L’accusé exigeait aussi que la jeune fille garde le silence. La deuxième plaignante, qui aurait fait plusieurs allers-retours dans cette famille, aurait quant à elle été la cible de l’accusé alors qu’elle avait 9 ou 10 ans. Les gestes auraient été graduels, notamment des attouchements aux seins, aux fesses et au vagin. Les commentaires de Me Catherine Lacoursière, procureure aux poursuites criminelles et pénales. (Audrey Tremblay, Le Nouvelliste) Dans sa décision le juge a tenu compte de nombreux facteurs aggravants: il agissait comme père d’accueil, les victimes étaient vulnérables, les infractions constituent un mauvais traitement à l’égard de personnes de moins de 18 ans, l’abus de confiance, la gravité des gestes, la longue période délictuelle, les événements ont eu lieu au domicile, les agressions étaient planifiées, la contrainte au silence, la gradation dans les gestes et le risque de récidive. Il a aussi considéré le rapport présentenciel soumis au tribunal et quelques facteurs atténuants tels que l’absence d’antécédents judiciaires, le soutien familial de l’accusé, le fait qu’il soit un actif pour la société et son état de santé. Quant aux conséquences et aux impacts des accusations sur l’accusé, le juge a déclaré qu’il était «l’artisan de son propre malheur» et que cela n’était pas un facteur d’atténuation. Le juge Rousseau a beaucoup insisté sur la protection des enfants, mais également la dénonciation et la dissuasion. Le message à être envoyé à ceux qui seraient tentés d’agresser des enfants que l’État leur a confiés doit être très clair à l’effet que les tribunaux et la société n’acceptent d’aucune façon de tels comportements délictuels dans de telles circonstances. — Juge Pierre L. Rousseau À sa sortie de la salle d’audience, la procureure aux poursuites criminelles et pénales a affirmé accueillir favorablement la décision du tribunal. «La peine qui vient d’être rendue est une peine qui reflète les critères qui sont énoncés tant par la jurisprudence que par le Code criminel. C’est une peine qui reflète à quel point on envoie un message clair que la violence sexuelle faite aux enfants, c’est inacceptable et qu’on se doit comme société de les protéger», a commenté Me Catherine Lacoursière. Des conséquences importantes pour les victimes Dans le cadre des observations sur la peine, les deux jeunes femmes s’étaient fait entendre et avaient partagé les conséquences physiques et psychologiques que ces événements ont dans leur vie: stress, impatience, flash-back, tics nerveux, crises d’angoisse, crises de panique, problèmes relationnels, traumatisme avec les hommes… «J’évolue, mais je suis détruite de l’intérieur. On m’a volé mon enfance», a témoigné l’une d’entre elles. «Cela m’a atteint et m’a détruite, jamais je ne lui pardonnerai». 10 ans de pénitencier Dans son analyse, le juge Pierre L. Rousseau conclut que la sentence totale à imposer est de 10 ans de pénitencier, 6 ans pour une plaignante et 4 ans pour l’autre. L’accusé devra fournir un échantillon d’ADN aux autorités et son nom sera inscrit au registre des délinquants sexuels à perpétuité. Il lui sera interdit d’avoir des armes pendant une période de 10 ans. La Couronne demandait de 12 à 14 ans de pénitencier alors que la défense demandait l’imposition d’une peine de 2 ans moins 1 jour. L’accusé a déjà porté son dossier en appel. Vous avez une nouvelle judiciaire ou de l’information délicate à nous partager? Vous pouvez nous écrire à justice@lenouvelliste.qc.ca