Québec dit non, Lion en fin de vie

Insolvable et à l’abri de ses créanciers, Lion Électrique se dirige vers une liquidation. Après la débâcle de Northvolt, Lion Électrique, qui devait être un autre fer de lance de l’électrification des transports, est sur la route du démantèlement. À la dernière minute, le gouvernement Legault fait marche arrière et ne réinvestira pas dans l’entreprise, ce qui compromet sérieusement les espoirs de relance. Cette décision a été prise alors qu’un groupe de Québec inc. tentait de finaliser le rachat du constructeur d’autobus scolaires électriques insolvable depuis décembre dernier. Il y avait cependant deux conditions sine qua non : une aide financière gouvernementale d’environ 24 millions pour renflouer les coffres à court terme ainsi que la reconduction d’un programme gouvernemental qui conférait un quasi-monopole à Lion sur le marché des autobus d’écoliers électriques au Québec. La proposition d’investir à nouveau des fonds publics dans Lion a été soumise au caucus caquiste lundi lors d’une réunion spéciale. Il y avait de la résistance. En réunion mercredi, le conseil des ministres a tranché : le gouvernement ne mettra pas un sou de plus. « Il s’agit d’une décision difficile, mais responsable, affirme le cabinet de la ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Christine Fréchette, dans une déclaration. Nous avons cru au potentiel de Lion, mais le plan de relance soumis ne permettait pas de justifier la réinjection de sommes gouvernementales importantes. » C’est une nouvelle tuile pour le gouvernement Legault dans sa stratégie d’électrification des transports. En mars dernier, il voyait la société mère de Northvolt déclarer faillite, ce qui fera perdre 270 millions à l’État québécois en plus de faire planer le doute sur la méga-usine de batteries québécoise promise par la compagnie suédoise. D’autres millions perdus La débâcle de Lion, qui s’est tournée vers la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) le 18 décembre dernier, devrait faire disparaître jusqu’à 200 millions d’argent public. À cela s’ajoutent les centaines de mises à pied effectuées depuis l’automne 2024. L’argent public à risque dans Lion Électrique : 2021 : 19 millions d’Investissement Québec (IQ) pour l’achat d’actions 19 millions d’Investissement Québec (IQ) pour l’achat d’actions 2021 : 37 millions tirés d’un prêt offert par Québec pour l’usine de blocs-batteries 37 millions tirés d’un prêt offert par Québec pour l’usine de blocs-batteries 2021 : 21 millions prélevés du prêt d’Ottawa pour le complexe de bloc-batteries 21 millions prélevés du prêt d’Ottawa pour le complexe de bloc-batteries 2022 : 15 millions en prêt de la Caisse de dépôt et placement du Québec 15 millions en prêt de la Caisse de dépôt et placement du Québec 2023 : 98 millions prêtés par IQ, le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction CSN 98 millions prêtés par IQ, le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction CSN 2024 : 7,5 millions en prêt du gouvernement du Québec Québec se retrouvait donc devant un dilemme : continuer à aider une entreprise qui lui a fait perdre d’importantes sommes ou la laisser couler. À quelques jours d’une échéance cruciale – la Cour supérieure du Québec avait fixé à lundi prochain le moment où présenter une transaction –, il a choisi la deuxième option, dans un contexte où les finances publiques sont sous pression. « Malheureusement, un constat s’impose : accorder de nouvelles sommes à Lion Électrique ne serait pas une décision responsable », explique le cabinet de Mme Fréchette. À moins d’un revirement spectaculaire, tout indique que Lion se dirige vers une vente en pièces détachées. La firme Deloitte, qui agit comme contrôleur dans ce dossier, avait déjà reçu des propositions en ce sens dans le cadre du processus de vente des dernières semaines. Formé par l’homme d’affaires Vincent Chiara – président et fondateur du promoteur immobilier Groupe Mach –, de l’entrepreneur Pierre Wilkie et du financier Claude Boivin, le groupe québécois souhaitait relancer Lion avec une taille plus modeste. L’objectif était de recentrer les activités à Saint-Jérôme, dans les Laurentides, où se trouvent le siège social de l’entreprise ainsi que son usine d’assemblage québécoise. On comptait tirer un trait sur la production aux États-Unis et mettre la clé sous la porte de l’usine de bloc-batteries à Mirabel. Effet boule de neige Cette décision du gouvernement Legault risque néanmoins de donner du fil à retordre à plusieurs transporteurs scolaires aux quatre coins de la province. D’après les données du ministère des Transports et de la Mobilité durable, 1175 autobus scolaires construits par Lion circulent sur les routes de la province. C’est environ 75 % du parc total d’autobus scolaires électriques (1600). Après s’être fait imposer un virage électrique, les transporteurs scolaires risquent maintenant de se retrouver avec des autobus scolaires orphelins – des véhicules pour lesquels le constructeur d’origine n’offre plus de service après-vente et de soutien technique. Selon nos informations, Québec devrait annoncer son intention de conclure un contrat avec une autre entreprise du secteur afin d’assurer l’entretien de ces autobus. Mercredi, la Fédération des transporteurs par autobus (FTA) s’inquiétait déjà sur l’incertitude qui plane dans leur secteur depuis le début de l’année. Elle attend toujours de savoir ce qu’il adviendra du Programme d’électrification du transport scolaire (PETS), qui oblige ses membres à acheter des modèles électriques depuis 2021. Selon la Fédération, les paramètres du programme n’offraient plus un soutien financier suffisant, ce qui met la table à une « situation alarmante » qui fait craindre des bris de service. « Les commandes d’autobus ont baissé drastiquement alors qu’il se commandait en moyenne plus de 800 autobus annuellement, souligne la FTA. Depuis décembre dernier, Lion est en restructuration financière, laissant ainsi les transporteurs sans service de maintenance ni possibilité de renouveler leurs flottes. » Le gouvernement va modifier son programme, selon nos informations. On pourrait ne plus obliger les transporteurs à acheter uniquement des modèles électriques. D’ailleurs, mardi, le premier ministre François Legault ne semblait plus aussi empressé de voir le parc d’autobus d’écoliers de la province électrifié à hauteur de 65 % d’ici la fin de la décennie. L’histoire jusqu’ici : Mai 2021 : Lion Électrique débarque à la Bourse de Toronto ainsi que sur Wall Street. Lion Électrique débarque à la Bourse de Toronto ainsi que sur Wall Street. Novembre 2023 : Une première vague de mises à pied (150) survient. Une première vague de mises à pied (150) survient. Juillet 2024 : Lion recentre sa stratégie. On délaisse l’assemblage de camions aux États-Unis. Lion recentre sa stratégie. On délaisse l’assemblage de camions aux États-Unis. Novembre 2024 : On annonce que les coffres sont presque à sec. On annonce que les coffres sont presque à sec. Décembre 2024 : L’entreprise se place à l’abri de ses créanciers. L’entreprise se place à l’abri de ses créanciers. Avril 2024 : L’offre de relance d’un groupe de Québec inc est retenue. Le gouvernement Legault refuse finalement de remettre de l’argent.