Franchement, très, très bien. J’ai surtout repris du plaisir, parce que c’est aussi pour ça que j’ai voulu partir. J’ai repris du plaisir à jouer au football, à découvrir un nouveau pays, à me sentir utile. Mon club existe depuis deux ans seulement et on a fini troisièmes en championnat. Et moi, individuellement, j’ai été élue meilleure joueuse du championnat. Je suis fière, parce qu’il y a un an, j’étais prête à arrêter le football et j’ai saisi cette opportunité, qui m’a vraiment redonné l’envie de continuer. J’ai eu beaucoup de déceptions, et quand elles s’accumulent, on se demande si on est vraiment heureuse de faire ce métier. Je ne voulais pas forcément arrêter, mais j’avais besoin d’une pause après les Jeux olympiques (où elle était réserviste). Les filles ne sont autorisées à jouer au football que depuis trois ans (et la création d’un championnat féminin). Avant, certaines jouaient dans la rue. Mais forcément, moi, j’ai commencé à cinq ans et demi. Elles, pour certaines, ont commencé à 25 ans. Donc elles ont très envie d’apprendre. On doit leur montrer ce qu’est la vie de sportive de haut niveau, comment gérer son alimentation, son sommeil, être rigoureuse, aussi. Parce que les Saoudiens, ils ont un peu du mal avec les horaires (rires). On essaie de leur transmettre notre expérience. Ça faisait plusieurs mois qu’ils me sollicitaient, et je me suis dit : « une saison, c’est quoi ? » J’ai discuté avec Hervé Renard (l’ancien sélectionneur des Bleues et de la sélection masculine d’Arabie saoudite, NDLR) et son staff, qui ne m’en ont dit que du bien et que le club qui me sollicitait était l’un des meilleurs, que j’allais me sentir utile et qu’ils faisaient tout pour se développer. Léa Le Garrec est l’une des quatre Françaises à évoluer dans le championnat féminin saoudien. (Photo Al-Qadsiah FC) Le championnat est très récent. Comment se structure-t-il ? Très rapidement. Déjà, tous nos matchs sont télévisés. Ils sont même diffusés sur DAZN en France ! Et on joue sur des pelouses… je n’ai jamais vu ça. Ce sont des galettes tous les week-ends. Mais ce qui m’a le plus étonnée, c’est que chaque semaine, ils décernent des trophées, sur la meilleure joueuse, le plus beau but… Ce sont des détails, mais qui, pour moi, comptent énormément. On voit que la fédération saoudienne fait ce qu’il faut pour développer le championnat et nous mettre dans les meilleures conditions. À lire sur le sujet La Coupe du monde 2034 en Arabie Saoudite Les conditions financières doivent aussi être intéressantes. Beaucoup voient le côté financier, mais il n’y a pas que ça. Ils mettent de l’argent (son salaire a été multiplié par six par rapport à celui dans son précédent club, Fleury, NDLR). Ce sont des salaires qui ressembleraient à ceux des joueuses de Lyon ou du PSG en Europe. Quel est le niveau sportif du championnat ? J’ai été étonnée à quel point c’était physique. Le premier mois où j’étais là, j’allais tous les jours au médical. Mon corps n’a pas du tout assumé de s’entraîner sous des chaleurs de 45-50 degrés et 80 % d’humidité tous les jours. Il y a des matchs, j’ai mis deux jours à m’en remettre. En plus, les clubs investissent sur nous pour qu’on les aide. On doit donc apporter une plus-value à chaque match. Sur le niveau de jeu, c’est très variable, mais comme ça l’était quand je jouais en France. Sur certaines actions, ça peut être moins bon techniquement, mais c’est tout aussi intense. Mes statistiques sont similaires à ce que je produisais avant. Pour sa première saison en Saudi League, la Bretonne d’origine a été élue meilleure joueuse de la saison. (Photo Al-Qadsiah FC) Comment se passe votre vie en Arabie saoudite, pays considéré, depuis la France, comme pas très ouvert au droit des femmes ? Franchement, quand on me dit qu’on ne respecte pas les femmes en Arabie saoudite, je leur réponds de venir voir. Aujourd’hui, on est considéré de la même manière. Je n’ai eu aucun problème depuis que je suis arrivée. Je ne me suis pas exprimée au début de mon séjour, car je voulais me faire ma propre opinion. Mais il n’y a rien que je n’ai pas pu faire parce que je suis une femme. Je me sens super bien ici. Est-ce parce que vous êtes une femme étrangère ? Je fais énormément de choses avec les Saoudiennes de mon équipe et je m’entends très bien avec elles. Dans mon équipe, il n’y en a que deux qui portent le hijab, par choix. Mais sinon, elles vivent librement, et elles ne sont vraiment pas malheureuses. Vous évoluez dans un championnat beaucoup moins regardé par les sélectionneurs nationaux. N’avez-vous pas eu peur de vous éloigner de l’équipe de France en partant en Arabie saoudite ? J’ai juste envie de prendre du plaisir et d’être heureuse. Donc quand j’ai fait le choix de venir ici, je savais très bien que j’allais peut-être ne plus être sélectionnée en équipe de France. Mais, mes deux années avec les Bleues, j’ai énormément souffert, surtout lors des JO. Je n’étais pas du tout à l’aise. Donc peut-être qu’indirectement, j’avais envie de ne plus être appelée. Aujourd’hui, je me suis retrouvée. Vous aviez signé un contrat d’un an, qui va donc arriver à échéance. Avez-vous envie de rester en Arabie saoudite ?