" Les opérateurs ont pris le pouvoir " : les agences d’État dans le collimateur du gouvernement
Tremblez Ademe, agences de l’eau, Ifremer, IGN, INPI, Inserm, Météo France et autre ONF, le son de la tronçonneuse se rapproche. La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, veut engager, d’ici à la fin de l’année, un plan de suppressions et de fusions des agences et opérateurs d’État pour dégager deux à trois milliards d’euros d’économies. S’il est réellement conduit, le projet s’inscrit dans la volonté plus large du gouvernement de réaliser 40 milliards d’efforts budgétaires pour tenir un exercice 2026 s’annonçant périlleux. Mais faut-il croire la ministre sur parole ? Car, en la matière, la question n’est pas nouvelle. Certes, depuis 2008, le nombre des opérateurs d’État a diminué de 33 %. Et, en juin 2019, déjà, le Premier ministre de l’époque, Édouard Philippe, avait contraint par une circulaire les administrations à ne pas constituer de nouvelles entités administratives qui leur soient rattachées autrement qu’en supprimant, transformant ou fusionnant des structures existantes. Sauf que les subventions qui leur sont accordées continuent, elles, de croître (+ 6 % entre 2023 et 2024), tout comme les effectifs (+ 1 295 équivalent temps plein - ETP - sur la même période). Des données qui poussent donc certains élus à la prudence. « On ne sait pas ce que la ministre a en tête. Elle dit qu’elle va faire trois milliards d’économies mais, pour y parvenir, il faut supprimer des politiques publiques. À elle de dire lesquelles », pointe la sénatrice LR des Hauts-de-Seine, Christine Lavarde, rapporteur d’une commission d’enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État. Lancée en février, à l’initiative de son groupe, cette dernière doit encore procéder à des auditions, en mai, avec l’objectif de produire un rapport avant le 15 juillet. Avant même l’échéance, la parlementaire francilienne est toutefois intimement persuadée que fusionner ou supprimer ne suffira pas à dégager trois à dix milliards d’euros d’économies, comme l’avance l’essayiste et directrice de la fondation iFrap, Agnès Verdier-Molinié. « Cela marchera si on supprime des politiques publiques, pas des agences. Il faut faire la part entre les dépenses d’intervention, les dépenses de personnel et les dépenses de fonctionnement », soutient la sénatrice. On estime le nombre des agences et opérateurs d’État à 1 100 ou 1 200. Mais, en 2024, seuls 438 - les plus gros - ont fait l’objet d’un suivi strict par les parlementaires, via ce qu’on appelle les « jaunes budgétaires », annexés au projet de loi de finances. Ces quelque 500 structures rémunèrent 408 281 emplois équivalents temps plein (ETP) et se sont vus attribuer, l’année dernière, 81,01 milliards d’euros de financements publics. Côté subventions, les universités arrivent en tête des bénéficiaires, avec 12,3 milliards d’euros. Mais, en matière d’effectifs, c’est France Travail qui occupe la première place avec près de 50 000 ETP, devant le CNRS (28 045) et le CEA (17 056). « Avec, souvent, des contractuels et des salaires hors plafond », fait remarquer un ministre. « L’État est devenu ingérable » Au-delà des chiffres, le poids toujours plus important des agences dans la conduite des politiques publiques agace. « Les idoles des élus locaux, c’est le directeur de l’Ademe, l’ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires, NDLR), le Cerema, l’Agence de l’eau… Pas le ministre », constate, dépité, un membre de l’exécutif qui aimerait voir les préfets reprendre la main. Question d’image de l’action gouvernementale mais pas seulement. « L’administration et les opérateurs ont pris le pouvoir. L’État est devenu ingérable », s’inquiète-t-on de même source.