Partager toutes ses données avec ses concurrents ou arrêter de développer son moteur de recherche. C’est l’ultimatum que Sundar Pichai a lancé au tribunal lors de son témoignage dans le procès antitrust contre Google. Source : Frandroid Dans le procès où se joue l’avenir de Google, Sundar Pichai a pris place à la barre des témoins. Le CEO de Google n’y est pas allé par quatre chemins : si le plan du Département de Justice américain (DOJ) est appliqué, Google pourrait tout simplement arrêter de développer son moteur de recherche. Une déclaration qui fait l’effet d’un pavé dans la mare alors que le procès antitrust contre Google entre dans sa phase décisive. Pour aller plus loin Android sauvé in extremis L’affaire est complexe mais importante pour nous tous. Le gouvernement américain accuse Google d’avoir créé un monopole sur la recherche en ligne. Pour y remédier, le DOJ propose une solution radicale : obliger Google à partager son index de recherche et ses données avec ses concurrents, le tout à un « coût marginal » – autrement dit, presque gratuitement. Face à cette proposition, Sundar Pichai a semblé presque abasourdi. Pour lui, cela reviendrait à permettre à n’importe qui de « rétro-concevoir entièrement n’importe quelle partie de notre pile technologique« . Selon lui, les concurrents pourraient copier exactement comment fonctionne Google Search, sans avoir investi les milliards que Google a dépensés pour le créer. Le CEO a martelé un argument économique simple : comment justifier les 49 milliards de dollars investis annuellement en recherche et développement si tout doit être donné à la concurrence ? « Je ne vois pas comment financer toute l’innovation que nous faisons si nous devions tout donner à un coût marginal« , a-t-il expliqué devant le tribunal. Chrome, Apple et intelligence artificielle : les autres fronts de bataille Le plan du gouvernement ne s’arrête pas au moteur de recherche. Le DOJ souhaite également forcer Google à vendre Chrome, son navigateur web utilisé par des milliards de personnes. Une perspective qui fait déjà saliver plusieurs entreprises comme OpenAI, Perplexity ou Yahoo, déjà en embuscade pour racheter le navigateur. Pour aller plus loin Tout le monde veut racheter Chrome, mais à quel prix ? Cette idée semble particulièrement toucher Sundar Pichai, qui a dirigé l’équipe créatrice de Chrome avant de devenir CEO. Selon lui, personne d’autre que Google ne s’occupera aussi bien du navigateur – et par extension, d’internet. « Nous avons dépensé plus d’un milliard de dollars pour Chrome rien que l’année dernière, et des dizaines de milliards lors de la dernière décennie« , a-t-il souligné, ajoutant que Google est responsable de plus de 90 % des contributions au code de Chromium, la base open-source sur laquelle reposent de nombreux navigateurs dont Microsoft Edge, Vivaldi, Brave ou Opera. Lorsque le DOJ a demandé si une autre entreprise pourrait gérer aussi bien la sécurité et la confidentialité de Chrome, Pichai a évoqué « un engagement culturel » envers Chrome et le web. « Depuis que nous avons créé Chrome, je n’ai vu aucune autre entreprise faire le genre d’investissements que nous avons faits« , a-t-il affirmé. L’intelligence artificielle est également au cœur des débats. Le procès vise aussi à garantir que le secteur de l’IA reste compétitif, et que Google ne reproduise pas dans ce domaine la domination qu’il a établie dans la recherche. Sundar Pichai a réaffirmé sa conviction que l’IA a le potentiel d’être « plus profonde que le feu ou l’électricité » et qu’elle « va profondément transformer Google Search« . Un détail intéressant est apparu lors de l’interrogatoire : Google cherche à conclure un accord pour intégrer son IA Gemini dans Apple Intelligence « d’ici le milieu de cette année« . Puisqu’Apple Intelligence intègre déjà ChatGPT, ce serait exactement le type d’accord multi-fournisseurs que Google ne permettait pas auparavant. Un bras de fer décisif L’argument de Google tout au long de ce procès est resté constant : son succès n’est pas dû à des pratiques monopolistiques, mais à des investissements massifs pour construire le meilleur produit possible. Maintenant, selon l’entreprise, le gouvernement veut prendre les fruits de son travail et les donner à quiconque les demande. Le DOJ ne nie pas cette intention. Pour le gouvernement, c’est la seule façon d’équilibrer les règles du jeu. Google a dépensé des milliards pour être présent partout par défaut, a utilisé son navigateur Chrome pour renforcer sa position, et a créé un cercle vertueux (ou vicieux, selon le point de vue) de données, d’argent et de qualité de recherche qui l’a rendu pratiquement imbattable. L’objectif évident de Sundar Pichai était de convaincre le juge Mehta que les changements proposés ne feraient pas que soutenir les concurrents, mais rendraient également impossible pour Google de rester une entreprise innovante. « Je ne vois pas quelle valeur aurait notre propriété intellectuelle si nous devions la partager à un coût marginal« , a-t-il conclu.