Après la traque numérique, l’enquête judiciaire ? L’influenceur Aquababe, 27 ans, est persuadé d’avoir retrouvé la trace de Xavier Dupont de Ligonnès. Le 18 avril dernier, le jeune homme a lancé un canal sur Instagram, intitulé « Retrouvons XDDL », réunissant plus de 385.000 personnes. Il devait ainsi recueillir des informations qui permettraient de localiser le principal suspect de l’assassinat de cinq membres de sa famille en 2011. Conclusion de son enquête : il se trouverait « en Asie », et plus précisément au Japon. Il en veut pour preuve la photo d’un homme, diffusée sur ses réseaux sociaux, ressemblant à celui qui n’a plus été vu vivant depuis le 15 avril 2011, à Roquebrune-sur-Argens (Var). Ce lundi, le procureur de Nantes, Antoine Leroy, a fait savoir dans un communiqué qu'« aucun élément factuel et vérifiable n’a[vait] été porté à la connaissance de la juridiction nantaise, pas plus qu’aux services de polices saisis, par qui que ce soit et pouvant attester de la réalité de ces informations ». Selon son avocat, l’influenceur doit transmettre aux autorités les preuves récoltées « dans la journée », en tout cas « avant vendredi ». « C’est lui qui s’en occupe. Il y a eu des contacts avec les personnes de la police qui souhaitaient récupérer les fichiers qu’il a triés », explique à 20 Minutes Me Tom Michel. Les policiers ont mis en place, pour communiquer avec son client, « un canal spécifique, une adresse mail ». « Ça ne repose sur rien du tout » « Il annonce qu’il a des gigas et des gigas de données, on attend ça avec impatience », indique à 20 Minutes, non sans ironie, une source proche du dossier qui soupçonne le jeune homme de vouloir « faire le buzz, comme tout influenceur ». Que penser de la photo de cet homme ressemblant au père de famille, postée par Aquababe ? Xavier Dupont de Ligonnès « a un visage un peu passe-partout. Un mec comme ça, avec des lunettes, on en retrouve des milliers », poursuit cette source policière. « On va nous demander de faire des vérifications, ça va nous polluer durant des jours alors que ça ne repose sur rien du tout. » Il faut dire que, régulièrement, les policiers sont alertés, aux quatre coins de France, de la présence supposée de l’homme suspecté du meurtre de sa femme et de ses quatre enfants. L’enquête, menée par les enquêteurs de la PJ de Nantes et de l’OCRVP [Office central pour la répression des violences aux personnes], n’a pas permis de déterminer s’il était mort ou en fuite. Alors chaque piste est vérifiée. Il y a tout juste un an, il aurait été vu à la communauté des sœurs dominicaines de Béthanie, à Montferrand-le-Château, près de Besançon. Mais les expertises de l’ADN prélevé sur un gobelet avaient confirmé qu’il ne s’agissait, une fois de plus, que d’un sosie. En septembre 2020, c’est un SDF de Pont-de-Roide, dans le Doubs, qui a été confondu avec Xavier Dupont de Ligonnès. En mars 2024, le procureur de la République de Nantes indiquait que « plus de 1.750 signalements, en France comme à l’étranger ont été reçus et exploités ». Soit, en moyenne, presque un tous les trois jours. « Une sorte d’appel à témoin 2.0 » Me Tom Michel salue, lui, une méthode « complètement inédite, avec toutes les réserves qu’on peut émettre, qui est une façon un peu nouvelle d’envisager une certaine forme de réponse policière ». « C’est une sorte d’appel à témoin 2.0. Au lieu d’utiliser les indics de la police, il demandait l’aide d’informateurs de la société civile qui étaient environ de 400.000 sur son canal. C’est une puissance incroyable. C’est une méthode qui a déjà fait ses preuves sur des affaires différentes. » L’avocat reconnaît qu’il y a « des dérives ». « On en a parlé avec lui. Il y a peut-être des choses qui ont été mal faites », confie-t-il. Mais, poursuit Me Michel, les influenceurs comme son client pourraient davantage être utilisés dans le cadre d’enquêtes judiciaires, « notamment pour les alertes enlèvement ». « Les plus jeunes ne regardent plus tellement la télévision et ne lisent plus les journaux. Si des influenceurs diffusaient en masse ces alertes, ce qui n’est pas prévu pour l’instant par la loi, cela permettrait peut-être d’avoir plus d’informations rapidement », insiste-t-il. Avant de conclure : « Il faudrait qu’il y ait une discussion avec les pouvoirs publics pour voir comment on pourrait encadrer ça. »